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n’a pas toujours traité avec une attention scrupuleuse la partie matérielle de son œuvre. Pour effacer ces taches légères, il lui suffirait de consulter la nature, et son œil corrigerait sans peine les erreurs de sa mémoire. Aussi je ne veux pas m’arrêter à compter ces erreurs. Ce qui me charme, ce qui m’intéresse, ce que je loue avec plaisir, c’est la sagacité dont l’auteur a fait preuve dans l’accomplissement de cette tâche immense. Je sais qu’il n’aurait pas grand’chose à faire pour réduire à néant, les reproches que j’énonce, et je ne veux pas insister. Quand la foule aura vu les cartons de M. Chenavard, elle le remerciera d’avoir résumé si nettement toute l’histoire humaine, et ne s’inquiétera guère de savoir si toutes les figures ont le nombre de têtes prescrit par les lois du dessin. Elle suivra d’un œil attentif le développement de la raison, les évolutions de l’intelligence, la lutte des passions, le triomphe des idées qui ont représenté d’âge en âge les portions de vérité que la race humaine avait découvertes, et l’intérêt d’un tel spectacle est assez grand, sans doute, pour qu’on pardonne à l’auteur quelques négligences de crayon. Ces négligences d’ailleurs ne sont pas nombreuses, et le dessin de ces cartons est généralement pur.

Ces cartons réalisent pleinement les espérances conçues par les amis de la peinture. Tous ceux, en effet, qui suivent avec sollicitude le développement des arts se rappellent un dessin et une esquisse de M. Chenavard. Le Vote de la Mort de Louis XVI, exposé à la galerie Gaugain, nous avait montré déjà tout le savoir de M. Chenavard. Nous avions admiré, dans cette vaste composition, la fidélité des portraits, la vérité de la pantomime et la grandeur de l’impression. Les connaisseurs ne trouvaient guère à blâmer, dans ce dessin d’ailleurs si imposant et si vrai, que l’absence d’harmonie linéaire, et l’auteur pouvait invoquer pour sa défense le désir de reproduire sans l’altérer la séance de la convention. À ceux qui lui reprochaient d’avoir séparé les juges assis sur les bancs de l’assemblée par des trous trop nombreux, il pouvait répondre qu’il avait suivi littéralement le témoignage de l’histoire, et sa défense était d’autant plus facile que jamais le vote de la mort de Louis XVI n’avait été représenté sous une forme aussi émouvante. Tous les personnages trahissent par leurs mouvemens, par leur physionomie, le sentiment qui les domine ; le regard le plus rapide suffit pour nous révéler toute la gravité de la scène à laquelle nous assistons ; le désordre même qui règne dans l’assemblée ajoute encore à l’effet de la composition. Il est permis sans doute de regretter l’absence d’harmonie linéaire, si l’on ne considère que les principes fondamentaux de la peinture ; il est permis de se demander pourquoi l’auteur n’a pas songé à concilier les exigences de l’art avec les exigences de l’histoire. Cependant, tout en admettant l’importance et la