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les traditions haineuses et les vices sociaux que l’émancipation ferait disparaître. Voyez d’ailleurs combien la réforme intérieure du judaïsme est avancée déjà, malgré des lois qui semblent n’avoir d’autre but que de perpétuer les rancunes et d’enflammer les vengeances. L’enquête si dramatique et si vraie de M. Léopold Kompert, espérons-le, dissipera bien des préjugés opiniâtres. Ces Juifs de la Bohême ont : hérité depuis bien long-temps que la loi s’humanise pour eux, et que les dernières marques de la servitude soient effacées. Il ne suffit pas que le juge applique la loi avec douceur, que l’empereur, touché par une pétition suppliante et naïve, daigne lever, dans un cas spécial, les interdictions d’un règlement odieux : c’est ce règlement même qui doit être mis en pièces, c’est la loi qu’il faut purger des vieilles iniquités du moyen-âge pour la rendre également juste et humaine, également chrétienne pour tous.

Cette pacifique révolution est inévitable, et, si elle comptait beaucoup d’apôtres comme M. Léopold Kompert, le résultat que nous signalons serait prochain. En sera-t-il de même des autres espérances que nous ont suggérées les histoires de M. Kompert ? Les transformations plus générales entrevues et comme annoncées d’instinct par le peintre du Ghetto s’accompliront-elles avec succès ? Nous ne parlons plus de l’Autriche, mais du monde : le moment est-il proche où sera gagnée partout la dernière et définitive victoire de la société chrétienne sur les doctrines et les mœurs judaïques ? A lire les pathétiques récits de M. Kompert, il est manifeste que l’antique foi s’altère, et qu’un esprit meilleur s’y introduit déjà par mainte brèche. Ces données d’un observateur attentif sont d’accord avec les spéculations de la philosophie et les nécessités de l’histoire. Le vieux judaïsme doit se renouveler ou périr. Je signalais, en commençant, cette espèce de révolution intellectuelle et morale qui, depuis plus d’un demi-siècle, pousse tous les peuples, toutes les races, à réclamer leur existence particulière au sein de cette société collective qu’on nomme le genre humain. Chaque peuple revient à ses souvenirs nationaux, chaque famille d’hommes défend sa tradition et son sol ; oui, sans doute, mais ce mouvement de concentration individuelle n’empêche pas le mouvement contraire, je veux dire le mouvement d’expansion et de sympathie qui porte les nations à abaisser leurs barrières et à associer de plus en plus leurs destinées. Pour s’unir sérieusement, il faut d’abord que les peuples soient en possession d’eux-mêmes ; sans cela, le sentiment de la solidarité humaine ne serait qu’un texte à déclamations creuses, et, au lieu d’une alliance féconde, il n’en résulterait que la promiscuité et le chaos. Ainsi s’explique l’apparente contradiction de ce double mouvement en sens inverse le culte des traditions particulières et l’aspiration vers l’unité sont deux sentimens qui se répondent. Le judaïsme, dont l’esprit exclusif semble