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à l’autorité directe de l’Angleterre ; la plupart rejetèrent les termes d’un traité qui leur imposait avant tout la nécessité de se reconnaître sujets anglais. Très peu de ceux qui, avant la capitulation de 1842, n’avaient pas encore eu le temps de se transporter avec leurs familles et leurs troupeaux à Port-Natal, s’y sont établis depuis, et, parmi ceux qui s’y étaient rendus avec l’avant-garde des émigrons, un certain nombre a repassé le Quatlamba pour rentrer dans le désert, sur la terre libre. Ils y ont vécu jusqu’en 1848, au nombre de douze ou de quinze mille ames répandues entre les frontières de Port-Natal, le fleuve Orange et son grand affluent du nord, le Gariep ou Waal-River ; ils y ont vécu dans un état d’indépendance et de paix comparatives, mais en contestation perpétuelle avec les missionnaires fixés au milieu des tribus noires qui les entouraient eux-mêmes. Ils se voyaient en même temps engagés dans des discussions sans fin avec le gouvernement colonial, qui, poussé bien malgré lui par le parti religieux, était contraint de temps à autre de rappeler aux émigrés les prescriptions du bill de 1835, qui avait étendu la juridiction des tribunaux du Cap jusqu’au 25e degré de latitude. Ce bill resta comme lettre morte jusqu’en 1848 ; mais alors la question de l’occupation illimitée, déjà fort avancée par l’établissement de Port-Natal, ayant été définitivement tranchée par l’annexion de la Cafrerie anglaise, on résolut de soumettre aussi au gouvernement direct des autorités coloniales tout le pays où les Boers s’étaient établis. Sous le nom d’Orange-River Sovereignty, on créa une nouvelle province, partagée en cinq districts, administrés chacun par un agent politique anglais à qui l’on construisit une résidence fortifiée, à qui l’on donna l’appui d’une troupe armée, absolument comme sont en Algérie les officiers de nos bureaux arabes, avec leurs goums et leurs maisons de commandement. De plus on institua dans la province anglaise auprès de chaque chef de tribu des missionnaires chargés non-seulement de le convertir, mais aussi de l’éclairer, de le guider, de lui servir de conseil et d’interprète dans ses rapports avec les commissaires civils. Seulement, afin que les Boers n’imaginassent pas qu’on voulait les livrer à leurs anciens ennemis, il fut arrêté en principe que tous ces missionnaires seraient exclusivement choisis dans le sein de l’église hollandaise réformée. Ceux des autres confessions conservaient la faculté d’aller exercer leur ministère au milieu des noirs, mais ils ne pouvaient avoir ni caractère officiel, ni subsides du gouvernement. Enfin et pour achever de gagner les Boers, on leur garantit la possession des terres qu’ils occupaient, on leur promit de respecter leur administration intérieure comme on respectait celle des tribus. Toutes ces concessions furent sans effet sur cette race opiniâtre. Dès qu’ils eurent connaissance de ces nouveaux projets, la plus grande partie d’entre eux, une dizaine de mille ames