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pas regarder comme très sincères, ne purent aboutir ; les Boers, qui avaient la très ferme intention de garder la légalité pour eux et de montrer par toute leur conduite qu’ils ne songeaient nullement à rompre avec l’Angleterre, ne voulaient rien conclure que sous la garantie du gouvernement, et le gouvernement, fort incertain de ce qu’il avait à faire dans une situation si extraordinaire, refusait d’intervenir.

Cet état d’incertitude, qui se prolongea pendant toute l’année 1839 amena la ruine de Dingaan. Voyant qu’il ne pouvait arriver à rien, ses chefs l’abandonnèrent successivement ; au mois de juin, son frère Panda vint lui-même solliciter l’alliance des Boers, qui le proclamèrent immédiatement chef des Zoulous, et, au mois de février 1839, se remirent en campagne contre l’ennemi commun. Ils n’eurent pas la peine de le joindre. Vaincu dans un premier combat par son frère Panda, trahi par les siens, Dingaan fut réduit à aller comme un fugitif demander un asile aux Amasura, qui l’assassinèrent. Son frère Panda lui a succédé, et il règne encore aujourd’hui sur le pays situé au-delà du Togela, qui forme jusqu’à ce jour la limite septentrionale de l’établissement de Port-Natal.

Les Boers cependant n’avaient pas attendu jusqu’à ce moment pour venir occuper le pays que le traité signé avec Retief et la première défaite de Dingaan leur avaient livré. Dès que le bruit de la victoire de Praetorius s’était répandu dans leurs camps, une foule d’entre eux avaient levé leurs tentes, et, franchissant la chaîne du Quatlamba, étaient descendus dans les plaines de Port-Natal, aussi joyeux, aussi pleins d’espérance que durent l’être jadis les Hébreux en mettant le pied sur la terre promise. Pour les familles errantes depuis deux ou trois ans déjà à la recherche d’un établissement nouveau, c’était la terre de Chanaan. Ils se mirent activement à l’œuvre, et dès la première année on les voit défricher une partie de leur territoire, bâtir des églises et des maisons, fonder des villes, commencer un travail cadastral, constituer la propriété, perfectionner leur organisation administrative, songer aux travaux d’utilité publique, etc. Tout leur souriait, et s’ils fussent parvenus à régler leur position vis-à-vis du gouvernement anglais, il est à croire qu’ils auraient enfin vu le terme de leurs longues infortunes ; mais c’était la chose impossible, parce que l’autorité anglaise, sans y mettre une mauvaise volonté systématique, ne savait elle-même à quel parti s’arrêter. Cette administration, ordinairement si ferme et si sûre de ses desseins, montra dans toutes ces affaires une indécision déplorable. Combattue entre la conscience qu’elle avait du droit des Boers et la crainte que lui inspirait l’influence du parti religieux en Europe, humiliée de se voir abandonnée par des gens qui ne s’en allaient, disaient-ils, que parce qu’on ne savait pas leur assurer la paix du foyer domestique, irritée par l’enthousiasme avec lequel les nouvelles des