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à ses occupations habituelles, et qui lui firent perdre une grande partie de sa fortune. Dans ces derniers temps cependant, sa position s’est beaucoup améliorée. Avant pris à bail une ferme dans le district de Winterberg, il a su, à force de travail et d’industrie, y gagner beaucoup d’argent ; il s’y est acquis l’estime de tous ses voisins, et la confiance du gouvernement l’a élevé au poste de field-commandant du district, situation dans laquelle il a déployé beaucoup de talent et d’activité à la satisfaction et pour le bénéfice de tous les habitans. Ajoutons encore, pour compléter ces renseignemens, qu’il a épousé la veuve du brave field-cornet Greyling, assassiné par les Cafres en défendant et en sauvant la vie du père de sir Andries Stockenstrom. »


Ce furent cependant les démêlés qu’il eut avec sir Andries Stockenstrom, en sa qualité de field-commandant du district de Winterberg, qui déterminèrent Retief à aller rejoindre ses compatriotes dans l’exil. Ces deux caractères entiers, opiniâtres, ne pouvaient se rencontrer sans se heurter. Plus occupé de la nécessité de faire respecter la propriété et la vie de ses concitoyens que les nouveaux et souvent impraticables règlemens du lieutenant-gouverneur, Retief, qui affichait d’ailleurs tout haut son opposition, s’attirait des mercuriales toujours dures, mais quelquefois assez peu justes, de la part de son supérieur. Les journaux du temps ont publié une longue correspondance échangée entre ces deux hommes, qui montre l’incompatibilité profonde de leurs caractères. Retief fut reçu dans les campemens comme un sauveur.

« Le 8 avril 1837, dit une lettre d’un témoin oculaire, M. Maritz et l’un de ses heemraden (conseillers) partirent du camp dans une voiture attelée de quatre chevaux pour aller au-devant de M. Retief, les fermiers ayant signifié leur intention de le prendre pour chef. Après avoir long-temps refusé cet honneur, M. Retief accepta enfin, et suivit M. Maritz au camp. Aussitôt qu’il fut arrivé, des meetings publics furent convoqués par les fermiers, alors divisés en deux partis, et il fut élu à l’unanimité. Malgré tout ce qu’il put faire et dire pour décliner cette responsabilité, il fut contraint d’accepter. Il leur dit que peut-être un jour ils regretteraient le parti qu’ils allaient prendre, attendu qu’en acceptant le pouvoir il était déterminé à ne jamais permettre que la violation des lois restât impunie, qu’il poursuivrait rigoureusement tous les crimes commis contre la communauté, et qu’il tiendrait tout particulièrement à l’observance rigoureuse du divin précepte : celui qui verse le sang de l’homme verra à son tour son sang répandu par la main de l’homme. Très ému lui-même, il leur parla long-temps de l’immense responsabilité qu’ils voulaient lui imposer : il n’était, disait-il, qu’un pauvre pécheur comme les autres ; mais, dans l’unanimité des sentimens qui se faisait voir, il reconnaissait la main de Dieu, qu’il ne cesserait de prier pour en obtenir la sagesse et la force qui lui permettraient de remplir ses devoirs envers la communauté. Il ne perdit pas de temps à réconcilier les deux partis, et il y a réussi. »

La confiance des Boers était bien placée. Les journaux et les pièces publiés dans la colonie font voir qu’en effet l’arrivée de Retief au milieu