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apportés avec eux. Ce qu’ignorait la population conquise, ce qu’elle ne soupçonnait même pas, leur était chose familière ; ils savaient comment s’y prendre pour s’adresser à la couronne, pour occuper d’eux le parlement, pour s’y créer des patrons, pour trouver des défenseurs dans la presse métropolitaine ; ils avaient été élevés dès l’enfance à tous ces manéges. Dès 1821, ils obtenaient du parlement la nomination d’un comité d’enquête qui poussait le gouvernement dans les voies libérales ; en 1822, ils faisaient signer à leurs concitoyens des pétitions pour demander une charte et des institutions représentatives ; en 1825, ils forçaient le gouvernement à leur accorder la liberté de la presse, et successivement ils arrivaient au plein développement des institutions municipales, à la jouissance de tous les droits qui garantissent en Angleterre la liberté individuelle. Quant à la grande et importante question de la charte et d’un système de gouvernement représentatif, leur persévérance infatigable, parce qu’elle avait confiance dans le libéralisme de la mère-patrie, suivit une marche lente, mais sûre. Le gouverneur, absolu d’abord et n’étant limité dans l’exercice de sa puissance que par les termes de la capitulation de 1806, vit soumettre sa volonté pour l’adoption des mesures importantes à l’approbation d’un conseil exécutif. Bientôt ce conseil exécutif devint législatif, c’est-à-dire fut autorisé à rendre toutes les ordonnances nécessaires à l’expédition des affaires locales ; puis ce conseil, composé exclusivement dans le principe des hauts fonctionnaires de la colonie, se recruta en partie par l’élection. Plus tard, grace au passage de lord John Russell au ministère des colonies, on obtint de discuter la question d’une charte définitive. Cette charte fut ensuite promise par lord Stanley, et enfin elle a été concédée par lord Grey l’année dernière. Si elle n’a pas encore été définitivement promulguée, c’est que la guerre et certaines circonstances de la politique intérieure n’ont pas permis de le faire ; mais elle a déjà subi l’épreuve d’une première publication, et d’ici à très peu de jours elle sera mise en vigueur.

Quant aux rapports des nouveaux arrivans avec l’ancienne population coloniale, ils ont toujours été excellens. La moralité des uns et des autres doit sans doute être comptée parmi les causes qui produisirent cet heureux résultat ; mais ce qui y contribua surtout, c’est que les intérêts étaient absolument identiques entre eux. Il n’était aucun des griefs que les Boers avaient à faire valoir qui ne fût pas commun aux colons anglais ; tous les privilèges que ceux-ci réclamaient du droit de leur naissance, les autres avaient encore plus d’intérêt peut-être à les obtenir. Aussi dans toutes les questions furent-ils toujours unis, plus ou moins ardens les uns ou les autres, selon leur caractère et l’importance de leurs intérêts immédiats, mais toujours unanimes.