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nous dénoncer presque un casus belli à propos de la misérable affaire Pritchard.

D’une pareille situation, il résulta pendant les premières années des tiraillemens infinis dont les Hollandais furent les principales victimes. C’était dans l’ordre malheureusement naturel des choses humaines. Rendus par capitulation, isolés, sans liens avec leurs nouveaux maîtres, sans patrons et sans moyens de défendre leur cause, ils payèrent non-seulement pour leurs propres fautes, mais aussi pour celles de tout le monde. Ce fut pour eux un temps très dur. Cependant, après l’invasion générale de la colonie par les noirs en 1819, invasion nullement provoquée et qui causa de très grands malheurs, il devint manifeste que les colons n’étaient pas les auteurs de tous leurs maux, et qu’ils avaient droit à une protection plus loyale et plus efficace que celle qui leur avait été accordée jusque-là. À cette époque, l’Angleterre subissait une des crises les plus cruelles qui aient pesé sur son commerce ; le gouvernement, pour enlever à l’émeute une foule de bras inoccupés, favorisait par tous les moyens l’émigration ; il songea au Cap. 50,000 livres sterling (1,250,000 francs) demandés au parlement et votés pour cet objet servirent à transporter dans la nouvelle colonie trois mille sept cent trente-six individus, choisis avec un soin qui a porté les plus heureux fruits, recrutés en général parmi les habitans des campagnes ou parmi les soldats licenciés depuis la paix de 1815, et qu’on établit dans la province d’Albany, sur la frontière même des Cafres, comme un boulevard vivant contre de nouvelles invasions.

Ce fut une bonne fortune pour la colonie, le principe et le commencement de sa délivrance. Les nouveaux arrivés apportèrent avec eux l’esprit politique qui manquait aux Boers, ils apportèrent bien plus les droits des citoyens anglais. Ce qu’on avait eu en vue, c’était d’augmenter le nombre des défenseurs de la colonie ; ce qu’on avait espéré, c’était de créer, par l’établissement d’une population anglaise, un contre-poids au mécontentement, à l’agitation de la population hollandaise : ce qui arriva, ce fut que le gouvernement anglais, disons-le à son honneur, introduisit dans la colonie, sans s’en douter et comme une essence naturelle de lui-même, la liberté politique, en même temps que sa domination allait avoir pour conséquence l’abolition de l’esclavage.. Pour être venus se fixer dans un pays conquis, les nouveaux colons n’avaient jamais cru qu’ils pussent être réduits à en subir un régime. Cela entrait si peu dans leurs prévisions, qu’ils n’avaient même pas songé à faire régler cette question avant leur départ, et que sur l’un de leurs navires ils emportèrent le matériel d’une imprimerie destinée à la fondation d’un journal, garantie de toutes leurs libertés. Aussi, dès les premiers jours de leur débarquement, les vit-on s’agiter pour la conservation et la consécration des droits qu’ils comptaient bien avoir