Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la police. C’étaient des fonctions surtout honorifiques, et pour lesquelles le commandant seul recevait des appointemens, presque insignifians d’ailleurs : les veld-cornets n’avaient d’autre avantage que l’exemption de l’impôt. Il n’y avait qu’un cas où ces fonctions devenaient véritablement actives : c’était quand il fallait tirer vengeance d’une rapine ou d’un assassinat commis par les indigènes ; et, comme leurs dénominations semblent l’indiquer, c’était surtout en vue de cette expectative que ces magistratures avaient été créées. Sans attendre ou demander les ordres du gouvernement supérieur, qui n’aurait pu le plus souvent répondre qu’après de trop longs délais, le commandant, agissant sous sa responsabilité, convoquait, aussitôt qu’un acte de violence lui était signalé, un commando, un certain nombre de burghers (bourgeois, c’est-à-dire jouissant des droits du citoyen), et, à leur tête, il allait exiger des noirs une restitution ou une indemnité. Il ne rendait de comptes qu’après sa campagne, et, à voir, par le témoignage des archives de la colonie, le très petit nombre de cas où les Hollandais se trouvèrent sérieusement engagés contre les indigènes, il est à croire que ce système de répression si prompte et si vigilante, en empêchant les choses de s’envenimer par la lenteur des explications ou de formes plus régulières, ne fonctionnait pas si mal qu’on a bien voulu le dire, comme aussi, sans faire une trop belle part à la moralité et aux bons sentimens de la population, on doit penser, en thèse générale, qu’elle n’abusait pas du droit ainsi reconnu de se faire justice à soi-même. Qu’y avait-il à prendre à ces pauvres et misérables tribus ? Le butin qu’on pouvait espérer de faire sur elles aurait-il seulement valu le temps qu’il fallait passer pour le conquérir loin de sa famille et de ses affaires ?

Les habitans se prêtaient très volontiers cependant à ce service, duquel dépendait la sécurité commune. Habitués dès l’enfance au maniement des armes, passant presque leur vie à cheval comme le gaucho des pampas, rompus à toutes les fatigues, aguerris aux dangers par les chasses, qui étaient pour eux une nécessité aussi bien qu’une passion, ils formaient une milice excellente pour cette guerre du border colonial. Le capitaine Alexander, qui les a vus à l’œuvre, en parle avec beaucoup d’estime : « Les Dutch Burghers, dit-il, sont généralement des hommes d’une taille élevée ; nourris de mouton, vivant au grand air et dans le pays le plus sain du monde, ils sont aussi pour la plupart doués d’une très grande force physique. Lorsqu’ils sont appelés à prendre les armes, ils se mettent en campagne avec une paire de chevaux, montant l’un et conduisant l’autre à la main ; sur ce dernier sont empaquetés quelques vêtemens, un vel-kombaars, manteau de peau de mouton, sur lequel ils dorment, et une provision de biltong, viande sèche. Bon nombre d’entre eux se font suivre d’un petit Hottentot, qualifié pour l’occasion d’achter rijder (écuyer de suite), lequel,