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— Voyez un peu cette hypocrite ! murmura Faustina ; tandis qu’elle me faisait des sermons, elle avait trois amans, sur lesquels deux étaient à moi.

— Taisez-vous ! dit la vieille dame Rosalie ; personne ici n’a un grain de raison dans la tête. Que Pepina ait eu des amans ou des amoureux, qu’importe ? En est-elle plus laide, plus sotte ou plus pauvre ? En a-t-elle perdu un cheveu de sa tête, une dent de sa bouche, un sou de sa dot, un agrément de son caractère ? Pas le moins du monde. Eh bien donc ! vous êtes un fou de la vouloir battre, seigneur Giuseppe. Toi, Pepina, tu es bien plus folle encore de balancer si long-temps. Prends le premier venu et marie-toi. Et vous, ma fille, quelle rage vous pousse à dire vos affaires lorsqu’on ne vous interroge point ? Jetons un voile sur les peccadilles passées, et revenons au fait, qui est le choix d’un mari.

Pour la première fois, Pepina commençait enfin à comprendre ses fautes et les sophismes dont la passion l’avait bercée. En écoutant les étranges argumens par lesquels dame Rosalie essayait de la justifier, elle se sentit peu flattée de l’éloquence du plaidoyer. Cependant don Giuseppe, étonné de la force de ces argumens et dominé par l’ascendant que dame Rosalie exerçait sur ses volontés, se calma tout à coup. — Jetons un voile, puisque vous le voulez, dit-il, et qu’un bon mariage nous fasse oublier tant d’erreurs. Allons, petite malheureuse, dépêche-toi de choisir, afin que je te pardonne.

— Je ne choisirai point, répondit Pepina d’un ton ferme. Entre trois hommes sans délicatesse, qui se vantent publiquement de leurs avantages et qui pensent me forcer la main par leur lâche indiscrétion, je n’ai point de préférence. Je les méprise également tous trois. Ah ! combien tu es supérieur à eux, pauvre Dominique ! Toi seul, tu te conduis en galant homme, et pourtant je t’avais manqué de foi. Oui, je veux qu’on le sache : Dominique avait su me plaire et conquérir les mêmes droits que les trois autres.

— Lui aussi ! s’écria le père en s’armant d’une canne. C’est à présent que rien ne pourrait, m’empêcher d’assommer la coupable.

Don Giuseppe marcha vers sa fille en levant le bâton. Les yeux de Pepina cherchèrent quelque moyen désespéré d’éviter ce dernier affront, et Dominique s’élança au-devant du père pour l’arrêter ; mais il n’était plus temps : le bras courroucé retomba lourdement, et la jeune fille reçut un coup terrible sur les épaules. L’orgueil meurtri, bien plutôt que la souffrance physique, lui arracha une sorte de rugissement. Elle courut en trois bonds jusqu’à sa chambre et ferma la serrure au double tour. Du fond de cette retraite, elle entendit un mélange confus de voix qui criaient toutes la fois. Celle de dame Rosalie finit par