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avait vu Minturne, Gaëte, voire deux ou trois villes de la Calabre, et il pouvait parler très long-temps et très vite, avec une égale facilité, du Vésuve, de la Solfatara, des antiquités d’Herculanum ou de Pompeïa, et des grenouilles du lac d’Agnano. Lorsqu’il avait captivé l’attention de son auditoire sous les arbres de la promenade, don Vincenzo s’emparait du bras de Pepina pour rentrer à la ville, et il réservait pour ce moment la fine fleur de son érudition : c’est pourquoi il avançait tous les jours d’un pas dans cette imagination impressionnable et naïve.

Un soir, parmi ses divers récits, le Napolitain vint à causer de la pêche du corail, qu’il connaissait par ouï-dire. Il apprit à Pepina, qui ne le savait point encore, que tout le bénéfice de cette pêche appartenait aux patrons de barque et aux négocians. L’équipage recevait une solde peu considérable, et on donnait aux plus habiles un petit intérêt sur le résultat de l’expédition ; mais le grand maximum que pût espérer un homme très heureux était une somme de vingt à trente piastres. Pepina comprit ainsi que les projets de Dominique étaient autant de chimères, et que l’idée d’épouser ce bonacchino à son retour d’Afrique n’avait pas le sens commun. Comme s’il eût pu deviner ce qu’elle pensait, don Vincenzo, aussitôt après ces révélations sur la pêche du corail, donna un tour plus confidentiel à la conversation, et se mit à faire une peinture éloquente de son martyre et de son amour. Il offrit à brûle-pourpoint son cœur, sa main et sa fortune, c’est-à-dire ses 1,200 livres d’appointemens, en ajoutant que, si Pepina l’avait pour agréable, il irait immédiatement, en pleine rue, la demander à son père. La jeune fille, surprise et ravie par tant de zèle et de vivacité, donna son consentement, et le seigneur Vincenzo courut incontinent présenter sa requête à don Giuseppe. Dès les premiers mots qu’il prononça, dame Rosalie pinça le bras du bonhomme, et lui dit à l’oreille : — Un mari ! cela est sérieux. On a des amans tant qu’on en veut ; mais un mari !… Acceptez tout de suite. — Et de peur que don Giuseppe ne fit traîner les choses en longueur, dame Rosalie se chargea de la réponse : — Seigneur Vincenzo, dit-elle, je considère Pepina comme ma fille. Votre proposition n’est pas de celles qu’on refuse. Allez, faites votre cour. Vous êtes agréé ; je vous en donne ma parole. Il ne faut plus vous en dédire.

À partir de ce moment, don Vincenzo eut la permission de venir chuchoter dans la grotte de rocaille avec sa fiancée. Il en profita, et, au bout de trois ou quatre conférences, ce fut Pepina et non le Napolitain qui eut à redouter un dédit. Dans ces organisations volcaniques de la Sicile, les sensations ont tant de force et les rouages de la vie marchent avec tant d’activité, que le moment présent domine tout.