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auprès de la fille. C’est à toi de lui rendre ses politesses. Je te prie donc de ne point prendre avec lui tes airs farouches et de l’écouter plus patiemment que les autres. Il faut du savoir-vivre ; je n’entends pas que le seigneur Gaëtano en soit pour ses frais de conversation avec un homme de mon âge.

Afin de montrer tout de suite sa docilité, Pepina courut au seigneur Gaëtano et lui dit avec effusion : — Ah ! qu’il est bien à vous de chercher à plaire à mes parens en même temps qu’à moi ! Continuez ainsi, et l’on connaîtra bientôt que mon cœur n’a jamais été ni farouche ni insensible. Mais j’apprends que votre famille est riche, et cela me fait peur.

— Vous avez mis le doigt sur la difficulté, dit Gaëtano. Mon père est un despote qu’il faut ménager ; il importe que nous en causions ensemble seul à seule, et qu’après m’avoir écouté, vous m’aidiez de vos lumières et des inspirations de votre cœur. Avec du secret et de l’adresse, nous réussirons, si vous m’aimez comme je vous aime.

— Oh ! que vous parlez bien ! s’écria Pepina. C’est convenu. Faisons une conspiration à nous deux sans consulter personne. J’ai beaucoup d’idées qui tournent dans ma tête pour en sortir. Il y en aura de bonnes dans le nombre. Venez demain à la porte Carini à l’heure du repos. Tandis que toute la maison dormira, je vous ferai entrer dans le jardin par la petite porte. Nous causerons à notre aise, et quand nous aurons imaginé notre plan, mon père et dame Rosalie seront bien attrapés en apprenant que tous les obstacles sont déjà levés sans qu’ils s’en soient mêlés.

— Allons, jeunes gens, cria don Giuseppe. Il n’y a si bonne société que la nuit ne finisse par séparer. Allons, petites filles, mettez vos châles sur vos têtes, car la rosée tombe. Les carrosses sont prêts. Il est temps de partir ; mais on pourra se retrouver demain à la promenade et reprendre les propos interrompus.

Quand on eut donné la main aux dames, les jeunes gens grimpèrent sur la calèche comme à l’assaut. Faustina, qui voulait avoir près d’elle tous ses adorateurs pour coqueter le long du chemin, ne laissa point de place au seigneur Gaëtano ; mais Pepina fit, en partant, un signe de tendresse et de connivence à son amoureux, qui se logea dans une autre voiture. Don Vincenzo se mit sur le siège du cocher, le convoi partit au galop, et Dominique, resté seul, n’entendant plus au loin le son des grelots, jeta son chapeau à terre en s’écriant : — Triple fou que je suis ! elle ne pense pas à moi.

Et avec ses jarrets de fer il eut bientôt mesuré la distance de Monreale à Palerme.