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baissait ses longs cils noirs en jouant de l’éventail, son danseur lui dit tout bas : — Qu’en pensez-vous, belle Pepina ? Est-il vrai que nous sommes faits l’un pour l’autre, comme l’assurent ces bonnes gens ?

— Oui, répondit la jeune fille, pour la tarentelle.

Le cavalier poussa un gémissement sourd, comme s’il eût reçu un grand coup d’épée dans le milieu du cœur.

— Cruelle ! s’écria-t-il d’un ton langoureux, vous me raillez pour me condamner au silence. Ah ! que j’ai eu tort de danser avec vous et de venir à Monreale !

— Voilà bien du chagrin pour un mot, reprit Pepina. De quoi vous plaignez-vous ? Je réponds au badinage par la plaisanterie, et c’est une faveur que je n’accorde pas à tout le monde. Prétendez-vous parler sérieusement ? Alors écoutez-moi : s’il ne dépendait pas d’une honnête fille de mériter le respect des hommes, je prendrais leur compagnie en dégoût, tant je vois autour de moi de choses qui me choquent et me révoltent. Je suis fière, mais mon cœur n’est point au prix d’un royaume ; je le donnerai au premier galant homme qui emploiera pour me plaire les moyens les plus simples et prendra le droit chemin. Celui-là aura toute ma tendresse, les autres rien. Je vous devais cet avertissement pour vous empêcher de perdre avec moi le temps consacré à vos plaisirs.

— Le droit chemin ! dit le cavalier, je n’en connais point d’autre avec une personne de votre mérite ; mais au moins dites-moi si vous seriez bien aise de me le voir prendre ; qu’un regard de vos yeux m’encourage, et vous n’aurez pas besoin de me l’indiquer, ce droit chemin où je brûle de m’élancer.

Pepina s’imaginait que cet amoureux de passage allait battre en retraite comme les autres. La réponse du cavalier, qui annonçait des intentions pures et sérieuses, bouleversa toutes ses idées. Ce jeune homme lui parut tout à coup le meilleur, le plus aimable, le plus digne de son estime, le mieux fait et le plus beau qu’elle eût jamais rencontré. Une émotion qu’elle n’avait point encore éprouvée lui ôta la voix : ses lèvres tremblèrent, sa poitrine se gonfla, et ses yeux s’humectèrent ; mais ce trouble nouveau lui sembla délicieux et ne lui enleva point le courage et la volonté, car elle tourna la tête vers son cavalier, en le regardant d’un air où l’on voyait la tendresse et la reconnaissance déborder à la fois de ce cœur novice. Le jeune homme répondit par un regard plein de passion, et il se leva pour aller faire sa cour sans délai au père de sa maîtresse et à dame Rosalie.

Deux personnes observaient avec une attention extrême ce dialogue muet : c’étaient notre ami le seigneur Vincenzo et le pauvre Dominique. Le premier souriait avec malice, et, quand il rencontra le regard de Pepina, il fit avec sa bouche un signe tout méridional qui consiste à