Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fluence des plus significatives sur l’appréciation du traité lui-même, et justifie la décision prise par la seconde chambre, qui a adopté par 31 voix contre 1 la motion de M. Van Beeck Vollenhoven, tendant à remettre la délibération sur cette affaire à une époque indéterminée.

Aux États-Unis, on est en ce moment fort occupé de M. Kossuth, qui, débarqué sur les rivages du Nouveau-Monde, continue à exposer ses plans politiques, sans se douter des coups mortels qui viennent d’être portés à ses projets. Il est malheureux que M. Kossuth n’ait pu apprendre les derniers événemens, cela lui eût épargné bien des fatigues et des discours, Il n’a point trouvé en Amérique l’enthousiasme auquel il s’attendait, et il a pu se plaindre avec raison, selon nous, de la froideur de l’accueil qui lui était fait. Le gouvernement américain, après s’être engagé pour ainsi dire envers lui, s’est comme repenti de sa précipitation. M. Kossuth n’a été fêté que de loin. À mesure qu’il approchait des rivages de l’Amérique, le cabinet de Washington s’est senti de plus en plus embarrassé. L’attitude du cabinet, du président et du congrès est très significative, et fait comprendre admirablement le double caractère de la singulière politique américaine. Dans tous les actes des citoyens des États-Unis, il entre deux élémens qui sont comme les deux pôles de l’aimant, qui s’attirent et se repoussent. Dans tous leurs actes, il faut faire la part du tempérament, qui est prompt, pétulant, téméraire, et la part du bon sens politique inné, non encore dégrossi, qui leur fait sentir instinctivement qu’ils se sont trop avancés et qu’ils vont faire une faute. C’est ainsi que le gouvernement et le congrès américain, après avoir demandé avec instances la mise en liberté de M. Kossuth, après avoir fait de sa personne leur possession pour ainsi dire, après avoir envoyé un vaisseau chargé de le conduire en Amérique, ont reculé et ont laissé M. Kossuth devenir la proie de tous les badauds de l’Amérique du Nord. Au lieu de l’ovation digne des hommes d’état, l’orateur magyar n’a eu que l’ovation réservée à toutes les étrangetés du jour et à tous les lions du moment.

Rien n’est curieux comme les hésitations, les incertitudes, les timidités du monde officiel aux États-Unis depuis l’arrivée de M. Kossuth. D’abord le président n’a voulu prendre aucune mesure et a laissé au congrès le soin de décider quelle réception serait faite au Magyar exilé. Le ministre des affaires étrangères, l’illustre M. Daniel Webster, a gardé aussi une attitude pleine de réserve ; il a refusé d’assister aux banquets qui ont été offerts à M. Kossuth par la municipalité et les journalistes de New-York. Tout son empressement s’est borné à écrire indirectement que, si M. Kossuth voulait visiter la ville de Washington, le gouvernement le verrait avec plaisir. M. Webster n’avait, on le voit, nulle envie de sacrifier à l’exilé hongrois les bonnes relations qu’il entretient avec les ministres étrangers. Le président, M. Millard Fillmore, a envoyé son fils féliciter M. Kossuth ; c’est jusqu’à présent la seule marque d’intérêt que le gouvernement lui ait donnée. Au sein de ce congrès américain, d’ordinaire orageux et bruyant, qui le croirait ? tout s’est passé avec le plus grand ordre ; la discussion a été lente, paisible, les paroles très mesurées, fort peu d’injures ont été jetées à l’Autriche et à la Russie. La discussion s’est engagée sur la proposition du plus turbulent des démocrates, de M. Foote, sénateur du Mississipi. Cette proposition portait qu’un comité composé de membres appar-