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qu’Ambroise Paré va convertir avec son fil rouge, contraste heureusement avec le groupe de l’opéré ; leurs amples et riches costumes, copiés sur les manuscrits du temps, semblent taillés à souhait pour le peintre. La continuation de la bataille et de l’assaut livré à Anvillers forment un fond de tableau de la plus heureuse disposition. M. Matout doit maintenant se rappeler que l’effet de ces vastes machines réside en grande partie dans une habile entente du clair-obscur, et qu’elles réclament la magie de coloris d’un Titien, d’un Paul Véronèse, ou la fougue splendide d’un Rubens. Lanfranc donnant la première leçon orale de chirurgie à l’hospice de Saint-Jacques-la-Boucherie au XIIIe siècle, et Desault installant la Clinique, doivent, avec le tableau d’Ambroise Paré, compléter cette décoration de l’amphithéâtre de l’École de Médecine, qui a été confiée à M. Matout.

M. Courbet, auquel une fraction fort compromettante de l’école naturaliste avait fait un succès si bruyant à l’ouverture du dernier Salon, ne s’est pas laissé abattre par le rude contre-coup qui a suivi cette turbulente ovation. Tandis que les uns le proclamaient le seul homme de génie qui comprît l’art contemporain et l’annonçaient comme le régénérateur de l’école, d’autres ne voulaient voir en lui qu’un grotesque barbouilleur : nous sommes ainsi faits en France. C’est à la raison et au bon sens de chercher le vrai entre ces exagérations systématiques. L’auteur de l’Après dîner à Ornans, persuadé, à ce qu’on nous assure, qu’il n’avait mérité

Ni cet excès d’honneur ni cette indignité,


s’est répété que, malgré tout, il était peintre : il s’agissait de le prouver, et l’artiste cherchait un sujet qui pût passionner le public, quand un jour il voit passer un détachement de pompiers attelés à leurs pompes, qu’ils traînaient en toute hâte vers une maison qui brûlait ; une foule inquiète et curieuse les accompagnait en courant. Ce mouvement, cette émotion, ces uniformes frappèrent l’artiste : il avait trouvé son tableau. M. Courbet, profitant des facilités que lui donnait le ministère de la guerre, s’est mis intrépidement à l’œuvre : on verra bientôt le résultat. Barrer le chemin à M. Courbet, comme on prétend qu’on a essayé de le faire, n’eût été ni possible ni digne. Laisser faire et laisser passer doit être un des axiomes fondamentaux de l’art. Le bon goût et le bon sens public sont là pour faire justice des erreurs et des folies.

Il y a peu d’analogie entre le talent de M. Ziégler et celui de M. Courbet : l’un procède du naturalisme le plus positif, l’autre de l’abstraction la plus quintessenciée, et cependant M. Ziégler a eu, comme M. Courbet, ses jours de succès et d’enivrement, que plus d’une fois ont suivis de brusques reviremens d’opinions. M. Ziégler s’est toujours dignement relevé sous les coups de la critique, et il est resté peintre. Au