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galerie. Sa main droite s’appuie sur un cadre de l’époque, entourant un portrait du roi François Ier. Autour d’elle sont groupées, dans le plus heureux désordre, des œuvres de la sculpture, de l’architecture, de l’orfèvrerie et de la ciselure du choix le plus rare et le plus précieux. M. Landelle a fort heureusement caractérisé cette charmante époque de l’émancipation ou plutôt de la sécularisation de l’art, quand, brisant le joug de l’ascétisme, il se fait mondain et retourne au culte de la souveraine’ beauté. Ce sujet, bien compris par M. Landelle, convenait à la nature de son talent gracieux et distingué, et inclinant volontiers à la reproduction de la beauté ; le seul écueil que M. Landelle ait à éviter, c’est sa facilité. Cette fois, le jeune artiste s’est livré à l’exécution de son œuvre avec un soin et un amour tout particuliers il l’avait ébauchée dès l’an dernier ; il a voulu voir l’Italie avant de la reprendre et d’y mettre la dernière main. Ce voyage lui aura profité, et lui permettra de se rapprocher de cette perfection à laquelle il veut atteindre.

L’imagination est le caractère distinctif du talent de M. Matout. Il conçoit vivement un sujet, en dessine fièrement la charpente, et plus la machine est vaste et a d’importance, plus il semble se trouver à l’aise. L’immense composition qu’il exécute en ce moment pour la décoration du grand amphithéâtre de l’École de Médecine, et qui représente Ambroise Paré opérant pour la première fois la ligature de l’artère sur un gentilhomme blessé au siège d’Anvillers, eût effrayé un artiste moins résolu. M. Matout, au contraire, quand il a été assuré de pouvoir couvrir une toile de trente-deux pieds de long sur vingt pieds de haut, a respiré plus librement. Il s’est livré à de savantes recherches sous la direction du professorat de l’école ; il a recueilli des renseignemens de toute espèce, s’est entouré de nombreuses études, et un beau jour il a jeté sur la toile cinquante figures de dimension héroïque, les esquissant en camaïeu. Aujourd’hui M. Matout est en pleine composition : tout est en train, tout marche, rien n’est encore achevé ; mais si le souffle qui l’a animé jusqu’à présent se soutient, et surtout, si au lieu de se borner à de brillans à-peu-près, il sait et veut finir, nous pouvons présager que le succès ne lui fera pas défaut. La figure d’Ambroise Paré opérant sur le champ de bataille, et disposée de façon à ce que tout l’intérêt converge bien autour d’elle, suffit à elle seule pour faire comprendre le sujet. D’une main il a saisi, au moyen de la pince, l’artère dans le moignon sanglant de l’amputé ; de l’autre, il montre le fil rouge avec lequel il va opérer la ligature. L’opéré et les aides qui le soutiennent sont dessinés avec une grande originalité, et l’on sent parfaitement que l’auteur a dû s’inspirer de la nature. Le groupe des docteurs, encore incrédules, qui ont fait rougir les fers et proposent la cautérisation en usage jusqu’alors, mais