Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représenter le triomphe d’Apollon. D’anciens Guides de Paris ont décrit ce plafond comme existant ; mais il est certain que Lebrun n’y a jamais mis la main, et qu’il n’a même laissé aucun dessin qu’on puisse considérer comme le projet ou même la première pensée de cette œuvre. M. Eugène Delacroix, chargé de l’exécution de ce cartouche central, ne s’est donc pas astreint à la simple reproduction de la pensée de Lebrun le sujet seul, le triomphe d’Apollon, appartient au premier peintre de Louis XIV ; tout le reste, la façon de comprendre le sujet, la composition, la disposition pittoresque des groupes, en un mot tout ce qui est du domaine de l’invention ou de l’expression appartient à M. Eugène Delacroix. Et cependant ce qui distingue avant tout cette vaste composition, exécutée avec la verve et l’intelligence du peintre de la Médée et du Combat de Taillebourg, c’est sa convenance parfaite au double point de vue de l’exécution et de l’entente du sujet, qui semblerait n’avoir pu être autrement compris par Lebrun lui-même. En effet, ce morceau n’est pas une pièce de rapport, comme tant d’autres ouvrages du même genre : il convient essentiellement à la place pour laquelle il a été fait ; c’est un vrai plafond, c’est-à-dire une échappée sur les célestes espaces, et non un tableau horizontalement accroché, dont les personnages, couchés de tout leur long, menacent de se précipiter et vont vous écraser. M. Delacroix a rarement été coloriste plus souple et plus vigoureux. Chaque groupe, chaque accessoire, chaque détail ne laisse rien à désirer, quant à la richesse et à la localité du ton, et concourt puissamment à l’effet. M. Eugène Delacroix a fait preuve, une fois de plus, de cette rare intelligence du clair-obscur qu’il doit à l’étude combinée des coloristes flamands et des vénitiens. Pour être le plus grand et le plus vrai peintre de notre époque, il ne lui manque qu’un peu plus de clarté dans ses compositions et surtout plus de respect pour la forme.

Nous ne voulons pas quitter les galeries du Louvre sans nous occuper d’une peinture à laquelle M. Landelle met la dernière main, et qui devait être placée dans la salle dite de la Renaissance. M. Landelle, chargé de personnifier cette époque, s’est fort heureusement inspiré du XVIe siècle. Sa Renaissance est une femme jeune et belle, à la taille élevée, aux formes opulentes, d’une physionomie ouverte et intelligente et magnifiquement vêtue d’étoffes de soie et de brocart d’or, dont M. Landelle a été assez heureux pour retrouver des échantillons chez, les revendeurs vénitiens. Ses cheveux, relevés en couronne, selon la mode du temps, laissent au front qu’ils encadrent tout son développement et toute sa saillie ; l’œil est doux et rayonnant, la bouche délicate et réfléchie, le col puissant et rattaché à la tête avec une rare énergie. Cette femme, qui rappelle à la fois Diane de Poitiers et la belle reine de Navarre, trône avec majesté dans une espèce de somptueuse