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importante de ses compositions, l’Arétin chez le Tintoret par exemple, M. Paul Delaroche, qui se maintient, après M. Ingres, à un rang si honorable, ne doit-il pas à la pensée la meilleure partie de ses succès, et à la pensée présentée de la manière la plus saisissante, c’est-à-dire sous une forme dramatique ? Son œuvre la plus récente, le beau tableau de la Reine Marie-Antoinette devant le tribunal révolutionnaire, que nous avons eu occasion d’apprécier ici même[1], emprunte encore à la pensée sa plus incontestable valeur. M. Eugène Delacroix, si prodigieux coloriste, mais si dédaigneux de la forme, que serait-il sans la pensée ? M. Picot, le peintre de Psyché ; M. Schnetz, l’auteur de Sixte-Quint enfant et du Voeu à la Madone ; M. Couderc, le peintre du Lévite d’Éphraïm ; M. Court, l’historien de la Mort de César ; M. Robert Fleury, l’auteur de tant de compositions énergiques, qui naguère nous a fait assister aux Derniers momens de Jane Shore, et qui aujourd’hui achève la Mort de Montaigne ; M. Scheffer, le peintre de Saint Augustin et de Sainte Monique ; M. Gleyre, qui a su reproduire le Soir d’une manière si poétique ; M. Ziégler, qui trouva un jour cette heureuse figure de Giotto enfant dans l’atelier de Cimabué, enfin tous ces artistes qui jouissent d’une réputation méritée, MM. Léon Cogniet, Flandrin, Lehmann, Mottez, Amaury Duval, Couture, Corot, Chassériau, et tant d’autres qui se sont fait remarquer à divers titres, n’est-ce pas à la pensée, et souvent à une pensée unique heureusement exprimée, qu’ils doivent leur renommée présente et leurs succès ?

Celui de nos artistes dont le talent, aujourd’hui dans tout son éclat et toute sa force, jouit de la popularité da plus étendue, et qui, depuis plus de quarante années[2], a su capter les suffrages du public, ne doit, lui aussi, cette haute faveur qu’à la conception vive et intelligente qui caractérise son talent et à l’application ingénieuse d’une pensée unique. M. Horace Vernet, témoin des prodiges que l’esprit militaire si propre à notre nation avait enfantés, s’est fait le chroniqueur de nos armées. Il a retracé avec un égal succès l’escarmouche et la bataille ;

  1. Voyez la livraison du 15 juillet 1851.
  2. M. Horace Vernet a reçu au Salon de 1812 la médaille de 500 francs, alors médaille de première classe. Cette exposition de 1812 fut, ainsi que l’exposition de 1810, dont M. Guizot a rendu compte, l’une des plus brillantes de l’empire. Onze médailles de première classe furent décernées aux artistes dont voici les noms : Bidault, Ponce Camus, Fragonard, Géricault, Heim, Hobelt d’Amsterdam, Mauzaisse, Pajou, Sérangeh, Horace Vernet, Gois. La liste civile impériale acheta pour 61,000 francs de tableaux, au nombre desquels le Pierre-le-Grand sur le lac Ladoga, de Steuben (5,500 francs), et le Caïn de Paulin Guérin (5,000 fr.). L’impératrice acheta de son côté dix tableaux moyennant 25,000 fr., et le ministère de l’intérieur employa 15,000 francs sur le fonds d’encouragemens à l’acquisition de cinq tableaux. Le total des encouragemens à la suite du Salon s’éleva à 116,000 francs, savoir : onze médailles de première classe, 5,500 fr. ; trente-six médailles de deuxième classe, 9,000 francs ; tableaux achetés par l’empereur, 61,000 fr. ; par l’impératrice, 25,500 fr., par le ministère de l’intérieur, 15,000 francs.