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inspire à la Norvége, jalouse de ses droits, une incroyable défiance. De courageux volontaires sont venus, il est vrai, de Stockholm et de Christiania, combattre avec les Danois dans la guerre des duchés ; mais les auxiliaires envoyés par le roi Oscar sont restés en Fionie et n’ont point pris part aux combats. Le gouvernement de la Suède n’a pas eu foi dans ce scandinavisme que la Suède avait enfanté. Le scandinavisme d’ailleurs, pour beaucoup de bonnes raisons, ne plait ni à l’Angleterre, ni à la Prusse, ni à la Russie. On peut espérer du moins que ces rêves d’une alliance plus intime qu’il n’est sans doute possible de la réaliser auront inspiré aux nations du Nord l’horreur de leurs discordes passées. Ces discordes leur seraient aujourd’hui plus funestes qu’à aucune autre époque de leur histoire, et leur union peut, au contraire, féconder le mouvement plus sérieux qui, en Suède notamment, se poursuit depuis quelques années sur le terrain des réformes politiques.


II. – LE MOUVEMENT REFORMISTE ET LA PRESSE SUEDOISE.

La constitution et les mœurs politiques de la Suède actuelle datent de 1809. L’un des principaux auteurs de cette révolution militaire qui, en déposant Gustave IV Adolphe, prétendait venger le nom suédois déshonoré au dehors et faire triompher au dedans quelques principes inspirés par la révolution française, a écrit dans ses papiers, publiés récemment, les lignes suivantes qu’il a intitulées Ma Religion politique : « La loi doit protéger également tous les citoyens. Les représentans de la nation doivent être élus par elle. Les castes doivent être abolies. Le premier devoir des représentans sera de rédiger une constitution qui établisse les droits et les devoirs de chaque citoyen… Les constituans auront ensuite à fixer un mode de représentation plus rationnel que celui d’à présent. Le partage en différens états est une invention des anciens temps qui ne convient plus à nos meurs ; c’est, là une vérité reconnue de tout homme intelligent. Une division pareille n’a jamais amené que de funestes résultats : d’un côté, orgueil blessant, oppression et privilège ; de l’autre côté, haine et envie… »

La constitution de 1809, faite à la hâte, a cependant conservé l’antique division de la société suédoise en quatre classes ; mais on y a laissé entrevoir combien il était nécessaire de substituer à cette combinaison singulière une organisation plus équitable. Chacun reconnaît en Suède cette nécessité ; on désire même et l’on demande cette réforme ; il est curieux de voir comment l’inexpérience de l’esprit public et les calcul des intérêts particuliers en ont toujours reculé l’accomplissement. Encore aujourd’hui la nation suédoise reste partagée en quatre ordres reposant chacun sur une base particulière : la noblesse sur la naissance,