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d’après un règlement de 1836 qui ne cadre plus avec la nouvelle législation maritime, ordonna que la Venezia fût remise comme une succession abandonnée entre les mains et sous l’administration de la chambre des orphelins s à Paramaribo, et il chargea celle-ci d’en effectuer la vente. La chambre des orphelins, inspirée par des vues plus saines de droit des gens et de droit maritime, adressa des remontrances au gouverneur ; le consignataire protesta formellement contre l’aliénation du navire ; le commerce de Surinam se ligua pour ainsi dire contre la mesure. Tous étaient pénétrés qu’il s’agissait ici d’un cas tout-à-fait exceptionnel, extraordinaire, qui n’était pas prévu explicitement ni par des règlemens ni par des lois. Nonobstant les sages conseils des hommes pratiques, la vente s’effectua par ordre du gouverneur ; l’adjudication fut annoncée pour le 24 septembre. Un marchand anglais acheta le navire à vil prix, et s’empressa de le faire partir ; bien mieux, le nouvel acquéreur avait fait dénationaliser la Venezia : il avait enlevé le pavillon autrichien et lui avait substitué le pavillon hollandais ; il avait même baptisé le navire d’un autre nom. — Les plaintes des parties lésées ne se firent pas attendre, et le gouvernement autrichien se crut obligé de demander satisfaction au gouvernement hollandais de cette insulte faite à son pavillon ; il réclamait en même temps des indemnités en faveur de ses nationaux spoliés, se fondant sur les principes reconnus par le droit des gens dans de pareils sinistres, où les autorités étrangères peuvent tenir lieu de consuls. On sait qu’il est un droit maritime et de navigation incontestable : c’est « qu’aucune nation et aucun individu n’a la faculté de s’approprier, de quelque manière que ce soit, un navire d’une nation étrangère que l’équipage a abandonné, à moins que le propriétaire en ait fait l’abandon formel, ou bien qu’il ait perdu son droit par une prescription. » Ce n’était pas le cas ; aussi le gouvernement autrichien espérait-il que le gouvernement hollandais se rendrait à sa juste demande. Son espoir n’a pas été trompé, et le gouvernement hollandais, guidé en cette affaire par un grand esprit de justice, n’a pas hésité à révoquer M. le baron de Raders, en tempérant l’exécution de cette mesure rigoureuse par la déférence que commandaient les longs services du gouverneur de Surinam.

Aux États-Unis, il n’y avait naguère encore qu’une question qui possédât le privilège d’exciter les passions nationales et l’intérêt des peuples étrangers : la question de l’esclavage ; maintenant il y en a deux : l’esclavage et l’intervention. Le voyage de M. Kossuth a porté ses fruits, et les séances du congrès sont alternativement remplies par ces deux questions. Les mesures du compromis sont encore de loin en loin attaquées ou défendues, mais c’est incontestablement la question d’intervention qui domine toutes les autres préoccupations. Ce que le congrès discute sous la forme de propositions relatives aux condamnés politiques de l’Angleterre ou aux exilés hongrois n’est rien moins qu’un nouveau plan de politique extérieure, que la déclaration de la supériorité du principe démocratique sur tous les autres. C’est là ce qui ressort de toutes les discussions, et notamment du discours du général Cass, prononcé au sénat le 10 février dernier. Toutes les autres nations peuvent être embarrassées pour prononcer sur la question du juste et de l’injuste : les États-Unis seuls, en pareil.cas, peuvent prendre parti sans hésitation ; toutes les autres nations peuvent servir d’arbitres dans les débats des peuples avec leurs gouvernemens : les