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la campagne. La seule restriction imposée à leurs promenades était l’obligation de rentrer dans la ville avant le coucher du soleil, et encore les autorités chinoises fermaient-elles volontiers les yeux sur les infractions journalières que subissait cette clause secondaire du traité. Les missionnaires protestans, qui s’étaient montrés pour la première fois en Chine vers la fin de l’année 1807, et dont les progrès étaient loin de répondre aux importans secours que n’avaient cessé de leur envoyer les sociétés religieuses de l’Angleterre et des États-Unis, furent encouragés par cette tolérance à poursuivre avec plus d’ardeur leur rouvre de propagande. On sait que les pasteurs de l’église réformée attachent le plus grand prix à faire pénétrer, indépendamment de toute prédication et de tout commentaire, la connaissance des saintes Écritures au milieu des nations infidèles. Ce n’est point sur leurs humbles efforts qu’ils veulent compter pour la conversion des idolâtres, c’est sur la lumière éclatante que le Seigneur doit faire jaillir du livre même qui contient sa parole. Aussi, grace à leur zèle infatigable, la Bible a-t-elle été traduite dans toutes les langues du monde, et la distribution de ces pieux exemplaires semble-t-elle constituer un des soins les plus importans des délégués des associations bibliques. Le village de Tsing-pou, situé à dix lieues de Shang-hai, avait souvent vu les missionnaires anglais s’acquitter impunément des devoirs de leur muet apostolat. Le 8 mars 1848, trois de ces missionnaires firent, sur ce paisible territoire, une nouvelle incursion évangélique. Malheureusement une mesure récente, adoptée par les autorités chinoises, venait de jeter dans les campagnes du Kiang-nan un dangereux élément de désordre. Au lieu de confier, comme d’habitude, aux jonques du grand canal le transport du riz que les trois préfectures de Sou-tcheou-fou, Song-kiang-fou et Thaï-tsang-fou devaient envoyer cette année à Pe-king, le gouvernement de l’empereur avait prescrit de charger sur des jonques propres à la grande navigation et d’expédier par mer à Tien-tsin la majeure partie du tribut de la province. Ce nouvel arrangement laissait sans emploi quinze ou vingt mille mariniers du Shan-tong, hommes grossiers, turbulens, dont l’oisiveté était un sujet perpétuel d’inquiétudes pour les riverains du Wampou.

Débarqués le 8 mars non loin de Tsing-pou, les missionnaires anglais avaient pénétré dans ce village et s’en allaient, suivant leur coutume, de maison en maison, offrant leurs Bibles aux Chinois qu’ils jugeaient en état de les lire. Les Chinois souriaient et tendaient la main ; l’œuvre apostolique s’accomplissait sans encombre. Bientôt cependant les Anglais se virent entourés par de nombreux mariniers que l’apparition des barbares aux cheveux rouges (hom-mao), des hommes de l’occident (si-iam), avait fait sortir de leurs jonques, alors mouillées en grand nombre devant le village de Tsing-pou. Une curiosité malveillante