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III

Le marquis, informé de l’équipée de Carlo, voulut tenter une démarche en faveur de ce pauvre garçon. Il demanda son carrosse et se fit mener au cabaret où le messager Francesco avait élu domicile. Aussitôt que le seigneur Germano eut décliné ses noms et qualités, le Napolitain se confondit en salutations et en complimens. Il offrit un Siège et se tint debout.

— Votre déclaration, lui dit le marquis, me paraît un peu exagérée. Carlo est incapable de détrousser les passans à main armée. Depuis long-temps on ne voit plus de brigands dans le pays. Je viens vous prier amicalement de rétablir la vérité des faits.

— Excellence, répondit Francesco, il est certain que Carlo m’a enlevé par la violence des dépêches que j’avais le droit de porter. De plus il m’a injurié, offensé. Il n’y a qu’un moment, rien n’aurait pu le soustraire à ma vengeance : vainement il serait venu se prosterner à mes pieds, je serais resté inébranlable ; mais, sur un simple mot de Votre excellence, je sens déjà que ma rigueur m’échappe, et je vais être tout disposé à m’entendre avec votre seigneurie.

— Nous nous entendrons d’autant plus facilement que je n’ai point de grace à vous demander.

— Excellence, reprit Francesco, je suis séduit par la politesse flatteuse dont votre seigneurie m’honore. Pour lui plaire, je dirai tout ce qu’elle voudra. Je retirerai ma plainte ; je déclarerai que ce n’est point Carlo qui m’a enlevé mes dépêches.

— Gardez-vous-en bien, s’écria le marquis, n’allez pas faire de nouveaux mensonges. Il ne s’agit que de dire la vérité, rien de plus ni de moins, selon le devoir d’un honnête homme.

— Le hasard a servi votre excellence en l’amenant ici. Je suis un honnête homme, et j’ai une horreur particulière du mensonge.

Francesco fit le tour de la chambre et passa devant le marquis en tenant sa main droite ouverte derrière son dos. — Votre seigneurie, reprit-il, est très noble, très riche, très illustre. Un petit signe d’amitié va sceller notre heureux accord.

La main ouverte passa et repassa devant le visage du marquis comme pour solliciter ce signe d’amitié qui devait sceller l’heureux accord. Cependant Francesco prit des inflexions de voix moins flûtées et moins caressantes en ajoutant : — Un procès est toujours une affaire désagréable. Quel chagrin, quel dépit pour moi s’il m’était impossible d’épargner à ce pauvre Carlo un démêlé avec la justice !

Rien ne tombant encore dans la main ouverte, Francesco poursuivit : — Dévaliser un messager est grave !