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content des histoires plus merveilleuses les unes que les autres. Faust lui-même, dont la réputation de magicien commençait à se répandre, est mis par eux sur le tapis. « Quel homme ! dit un étudiant. Il passait dernièrement près d’un marché ; un charretier s’avisa de lui barrer la route. Vous croyez peut-être que Faust lui donna un soufflet ? Pas du tout. Que fit-il donc ? Il avala le paysan, les chevaux, la charrette et le foin[1]. » Chacun de se récrier, et l’imprudent conteur d’ajouter « Que le diable m’emporte, si je mens ! » Puis, sans défiance, il trinque avec Méphistophélès, qui lui tend son verre en faisant remarquer que ce vin a du feu. L’étudiant prend le verre et le porte à ses lèvres ; aussitôt une flamme sort du vase avec fracas. Le jeune homme tombe évanoui, et ses compagnons s’enfuient épouvantés. « Ce chien de menteur ! dit froidement Méphistophélès ; il n’a que ce qu’il a mérité[2]. »

SCÈNE DU SABBAT. — L’idée de la réunion au Blocksberg et de la chevauchée du sabbat se trouve dans plusieurs pièces de marionnettes : Méphistophélès, dans celle du théâtre de Cologne, promet à Hanswurst une monture avec laquelle il galopera dans les airs ; mais, au lieu d’un cheval ailé que le sot attendait, il lui envoie un bouc, avec une lumière sous la queue[3]. Dans une autre pièce, Hanswurst, pour rejoindre son maître chez le comte de Parme, monte sur la nuque du diable qui s’offre à lui comme la sœur de Méphistophélès[4]. Cette idée d’un Méphistophélès femelle est remarquable.

FAUST A LA COUR DE L’EMPEREUR. — Les états de Parme, trop étroits pour le plan de Goethe, deviennent, dans la seconde partie de Faust, la cour impériale. Oreste, le conseiller du comte de Parme, ne laisse pas que de ressembler au maréchal et au chambellan de l’empereur. Faust, sur le théâtre des marionnettes comme dans la pièce de Goethe, fournit au digne souverain, mieux intentionné qu’inventif, toutes sortes de panacées pour la prospérité du peuple et la santé du royaume. Dans les deux cours, Faust, à la demande de ses hôtes, évoque, à l’aide de la nécromancie, un grand nombre de fantômes, rois, généraux, femmes renommées pour leur beauté, et la plus belle entre les belles, Hélène, la Troyenne, qu’il montre bien à la compagnie, mais dont il se réserve la possession. C’est, en effet, par la sensualité que, dans toutes les pièces de marionnettes, Faust se damne. Une des maximes de Méphistophélès est que - Quod diabolus non potest, mulier evincit[5].

  1. Luther raconte très sérieusement une histoire toute semblable, attribuée à un magicien du temps nommé Wildefer. Voyez Propos de table, traduits par M. G. Brunet, p. 33.
  2. Pièce du théâtre des marionnettes de Cologne.
  3. Pièce du théâtre des marionnettes d Augsbourg.
  4. Voy. das Closter, t. V, p. 832.
  5. Das Closter, t. V, p. 844. Le texte porte : Quid diabolus non potest, mulier evidit. Cela peut servir comme échantillon du latin de toutes ces pièces.