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précédentes ; mais, par un étrange oubli, il ne parle pas des textes publiés par M. Scheible. Il doit le sien ou plutôt il l’a enlevé (Bacchus aidant) à un joueur, nommé Bonnescky, qui, à une époque qui n’est indiquée que vaguement, donnait des représentations à Leipzig. Je dirai franchement que, malgré ces assurances accumulées dans la préface, le texte de 1850 est celui dont l’authenticité m’est le moins prouvée. Je crois y voir plutôt un résumé fait avec adresse de tous les matériaux recueillis antérieurement que la transcription pure et simple d’un manuscrit réel. Je ne fais ici qu’énoncer un doute ; je pourrais, au besoin, l’appuyer de plusieurs indices. On voit, en tête de la pièce, deux gravures représentant Faust et Casperle, tels qu’ils figurent d’ordinaire dans les jeux de marionnettes.

Aujourd’hui enfin, grace à tant de curieux documens, la critique peut se faire une idée juste de ce qu’ont été les représentations du Docteur Faust sur les théâtres populaires. Elle peut confronter les rédactions, les rapprocher de la légende, et, si ce n’est pas un trop grand sacrilège, comparer ces Puppen-Spiele avec le Faust de Goethe. Je ne me propose pas de traiter tous ces points ; mais je crois ne pouvoir mieux terminer mon travail qu’en me posant cette question finale, qui aurait sans doute paru bien impertinente au début : Le Faust de Goethe doit-il quelque chose aux marionnettes ? Examinons.


X. – DES EMPRUNTS QUE LESSING ET GOETHE ONT FAITS AUX THEÂTRES DE MARIONNETTES.

Lessing avait, avant Goethe, conçu la pensée de tirer de la légende de Faust et des pièces jouées sur ce sujet dans les foires un grand drame surnaturel et philosophique. Non-seulement il avait vu souvent représenter cette histoire par les marionnettes, mais il avait eu en sa possession la copie d’une de ces anciennes pièces. Lié d’une étroite amitié avec Mme Neuberin, qui avait été long-temps directrice d’un théâtre secondaire et qui possédait une collection précieuse de livres et de manuscrits relatifs à sa profession, il hérita de la bibliothèque de cette dame, dans laquelle se trouvait un ancien manuscrit de Faust à l’usage des joueurs de marionnettes ambulans. On a avancé que Lessing avait composé deux Faust. Il est plus probable qu’il a seulement tracé deux plans, sans en achever aucun. Ayant emporté avec lui en Italie tout ce qu’il avait écrit sur ce sujet, dont il était vivement préoccupé, il eut le malheur de perdre la malle qui contenait ces papiers[1]. Il ne subsiste plus que deux fragmens de tout ce travail : le premier est une scène complète qu’il a publiée dans une de ses lettres

  1. Une lettre de M. Blankenburg, intitulée de la perte du Faust de Lessing, contient des détails sur cet accident. Voy. Literatur und Völkerkunde, juillet 1754, t. V.