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mêlée de prose et de vers, intitulée la Mort malheureuse de Charles X11, jouée sur le théâtre de Hambourg, en 1746, par la troupe allemande des princes de Brandebourg-Bayreuth et Onolzbach. M. H. Lindner l’a publiée à Dessau en 1845, et M. Prutz l’a réimprimée en partie dans son histoire du théâtre allemand. Les personnages sont Charles XII, Frédéric, prince de Hesse-Cassel, le duc de Holstein-Gottorp, l’adjudant-général Sicker, le major-général Budde, le commandant de Frederichshall, un lieutenant, un tambour, Arlequin, dame Plapperlieschen (c’est le type populaire de la femme bavarde), des soldats, une cantinière, le Destin, Bellone, et (dans l’épilogue) la Renommée, Mercure et Mars. Le drame s’ouvre par un long monologue, où le roi de Suède se raconte à lui-même, en style de gazette, les principaux faits le sa vie militaire. Cette Haupt-Action ne pouvait offrir d’intérêt que celui du spectacle. Frederichshall avait à supporter deux bombardemens, et les projectiles étaient, au dire de M. Schütze, lancés de part et d’autre avec une rare précision. On admirait aussi, comme un prodige, un soldat qui allumait sa pipe et faisait sortir de sa bouche de légers nuages de fumée, tour d’adresse qu’on ne tarda pas à voir à Paris, et que l’on exécute aujourd’hui avec une grande perfection au théâtre de Séraphin.

Il n’y a pas jusqu’aux infortunes des vivans illustres sur lesquelles, les faiseurs de Haupt-und Staatsactionen ne missent la main. C’est ainsi que l’éclatante disgrace du prince de Menzicoff fournit de son vivant le sujet d’une Haupt-Action, représentée en 1731, dans plusieurs villes d’Allemagne, par les grandes marionnettes anglaises de Titus Maas, comédien privilégié de la cour de Baden-Durlach[1]. L’affiche de cette pièce est assez curieuse : « Avec permission, etc., on jouera sur un théâtre entièrement nouveau et avec une bonne musique instrumentale, une Haupt-und Staatsaction, récemment composée et digne d’être vue, qui a pour titre : Les vicissitudes extraordinaires de bonheur et de malheur d’Alexis Danielowitz, prince de Menzicoff, grand favori, ministre du cabinet et généralissime du czar de Moscou Pierre Ier de glorieuse mémoire, aujourd’hui véritable Bélisaire, précipité du haut de sa grandeur dans le plus profond abîme de l’infortune, le tout avec Hanswurst, un crieur de petits pâtés, un garçon rôtisseur, et d’amusans braconniers de Sibérie[2]. » Titus Maas avait obtenu l’autorisation de représenter ce merveilleux drame à Berlin ; mais le gouvernement de Frédéric-Guillaume Ier, craignant de désobliger son puissant

  1. Floegel, Geschichte des groteskekomischen, p. 116.
  2. Voy. Plümische, Entwurf… (Esquisse d’une histoire du théâtre de Berlin), p. 109., cité par Prutz, p. 180.