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devaient contenir beaucoup d’incidens et de spectacle être soutenues de temps en temps par de la musique instrumentale, et égayer le spectateur par les bons mots d’un personnage bouffon. On voit que ces pièces ressemblaient beaucoup à nos mélodrames d’il y a quarante ans. Ajoutons que, pendant la période de leur succès, leur nom fut souvent synonyme de pièces de marionnettes, par suite de l’association singulière que je viens d’exposer. Goethe, dans la fameuse scène entre Faust et Wagner, a fait une allusion sarcastique à ces drames de bas aloi, que lui-même, avec Schiller et après Lessing, a tant contribué à faire oublier.

WAGNER.

Maître, n’est-ce pas une bien grande jouissance que de pénétrer dans l’esprit des temps passés, de savoir exactement ce qu’un sage a pensé avant nous, et de mesurer de quel bond vigoureux nous l’avons dépassé ?

FAUST.

Oh ! oui, de toute la hauteur des étoiles ! — Franchement, mon cher, les siècles passés sont pour nous le livre aux sept cachets. Ce qu’on appelle l’esprit des temps n’est que l’esprit de ces messieurs qui a déteint sur les siècles. En conscience, c’est la plupart du temps une misère, et le premier coup d’œil que l’on y jette suffit pour vous faire fuir. C’est un sac à ordures, un vieux garde-meuble, ou tout au plus une pièce à grand spectacle (eine Haupt-und Staatsaction), avec de belles maximes de morale comme on en met dans la bouche des marionnettes.


« A la fin du XVIIe siècle, dit Floegel, les Haupt-und Staatsactionen usurpèrent la place des véritables drames. On a conservé quelques-unes de leurs affiches, rédigées dans un style de charlatan qui répond parfaitement à leur valeur réelle. Ces pièces étaient jouées tantôt par des poupées mécaniques, tantôt par des acteurs. L’emploi exclusif des aventures romanesques et des ressorts surnaturels, les ignobles plaisanteries du bouffon, le mélange de la trivialité et de l’enflure, placent ces ouvrages au dernier degré de l’échelle dramatique[1]. »

Mais si la vogue des Haupt-Actionen a été pour l’art dramatique une cause momentanée de retard et même de décadence, elle a eu pour les marionnettes un effet tout contraire : elle a associé pendant cinquante ans leurs destinées à celles des théâtres réguliers, de sorte que nous ne pouvons séparer leur histoire de celle des troupes ambulantes que gouvernaient alors les actifs directeurs Weltheim, Beek, Reibehand et Kuniger.

Weltheim, né vers 1650 à Leipzig, avait formé, dès 1679, une troupe de comédiens et de marionnettes. Nous le voyons, à cette époque, bien

  1. Flogel, ouvrage cité, p. 115.