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qu’on ne se méprît pas sur l’application insultante qu’il prétendait faire de ce mot, il ajoute : « Bien des personnes comparent mon très gracieux seigneur, le duc Henri de Brunswick, à Hanswurst, parce que ledit seigneur est replet et corpulent[1]. » Depuis deux siècles, le type physique et moral de Hanswurst a peu varié. Ce bouffon, suivant Lessing, possède deux qualités caractéristiques : il est balourd et vorace, mais d’une voracité qui lui profite, bien différent en cela d’Arlequin, à qui sa gloutonnerie ne profite pas, et qui reste toujours léger, svelte et alerte[2]. En Hollande, Hanswurth ne fait plus depuis long-temps que l’office de Paillasse : il bat la caisse à la porte, et invite la foule à entrer. Comme acteur et comme marionnette, il a été supplanté par Hans Pickelhäring, Jean-Hareng-Salé (nous dirions plutôt dessalé), et plus récemment par Jan Klaassen, Jean-Nicolas[3]. Celui-ci, devenu le héros des marionnettes hollandaises, s’est approprié, non sans succès, les mœurs turbulentes et gaiement scélérates du Punch anglais et du Polichinelle parisien. Son nom est aujourd’hui si populaire en Hollande, que l’on dit communément Jan Klaassen-Kast pour Poppe-Kast (le théâtre des marionnettes). En Allemagne, Hanswurst a eu plusieurs rivaux : il a dû céder plusieurs fois le pas à Arlequin, à Polichinelle et à Pickelhäring. Banni, au milieu du dernier siècle, du théâtre de Vienne par l’autorité classique de Gottsched, il a été remplacé par le joyeux paysan autrichien Casperle[4], qui s’empara tellement de la faveur publique, que le principal théâtre de marionnettes des faubourgs de Vienne reçut le nom de Casperle-Theater, et qu’on appela Casperle une pièce de monnaie dont la valeur était celle d’une place de parterre à ce théâtre[5]. Mais ne devançons pas l’ordre des faits.


III. – SCULPTURE MOBILE SUPPRIMEE DANS LES EGLISES REFORMEES, MAINTENUE DANS QUELQUES CONTREES CATHOLIQUES.

Avant que de courir les foires et de porter la joie dans les manoirs féodaux, la sculpture mobile avait servi en Allemagne, comme dans tout le reste de l’Europe, à augmenter sur l’imagination des fidèles l’effet des cérémonies sacrées. On a long-temps conservé, dans plusieurs

  1. Hanswurst, Wittenherg, 1541, in-4e, cité par Floegel, Geschichte des groteskecomischen, p. 118.
  2. Lessing, Theatralischer Nachlass (Œuvres dramatiques posthumes), t. I, p. 47.
  3. Ce personnage a paru sur le théâtre d’Amsterdam dès la fin du XVIIe siècle, notamment dans une comédie où il joue le rôle d’un amoureux ridicule. Voyez un recueil de J. Jonker, intitulé De Vrolijke Bruiloftsgast (le joyeux convive des noces), Amsterdam, 1697, p. 162.
  4. Floegel, ouvrage cité, p. 154 ; Prutz, Vorlesungen (Leçons sur l’histoire du théâtre allemand), p. 174.
  5. Voyez Das Puppenspiel vom Doctor Faust (Leipzig, 4850, in-8o), introd., p. XII.