Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1002

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la prestigieuse Olympia, la vie presque communiquée à la matière par l’union de l’art et de la science ; en un mot, ce qu’on chercherait vainement ailleurs, sous une forme aussi saisissante et aussi poétique, l’idéal de la marionnette.

II. – PREMIERES MARIONNETTES ALLEMANDES, DEPUIS L’ETABLISSEMENT DU CHRISTIANISME JUSQU’A LUTHER.

Parmi les superstitions que la tardive introduction du christianisme n’a pu soudainement extirper du Nord, les mythologues allemands citent le culte de certains génies familiers, lutins espiègles et mystérieux dont toute pauvre ménagère et même tout serviteur de bonne maison recherchaient soigneusement l’assistance et redoutaient les mauvais offices. Un des plus sûrs moyens de rendre ces petits démons doux et serviables était d’entretenir pieusement au logis des figurines peintes ou sculptées à leur image. Ces idoles, que l’influence du christianisme convertit peu à peu en bons ou en mauvais anges, continuèrent d’être taillées dans le bois, et, sous leur nom païen de Kobolds (farfadets, marmousets), présidèrent long-temps encore aux petites prospérités comme aux petits accidens du foyer domestique[1]. Un poète didactique de l’école de Souabe, Hugo de Trimberg, dans une sorte de poème cyclique, intitulé der Renner (le coursier), nous apprend que les jongleurs du XIIIe siècle portaient souvent avec eux de ces figures de follets malicieux. « Ils les tiraient, dit-il, de dessous leur manteau et leur faisaient échanger des railleries, pour faire rire toute l’assemblée avec eux[2]. » En effet, ces petits démons étaient naturellement badins et rieurs ; on disait, en forme de proverbe : « Rire comme un Kobold[3], » et, avec une variante, qui n’est pas pour nous sans intérêt : « rire comme un Hampelmann, » c’est-à-dire comme un pantin[4]. Un autre mot théotisque servait encore à désigner les anciennes marionnettes de l’Allemagne, mais seulement, je crois, les marionnettes populaires et auxquelles ne se rattachait aucun souvenir superstitieux. Dans plusieurs manuscrits du XIIe siècle, et même dans un du Xe, on rencontre le mot Tocha ou Docha, employé dans le sens de poupée, puppa[5] et même avec celui de mima, mimula[6]. Un siècle plus tard, les mots Tokke-Spil ou Dokke-Spil, encore usités dans quelques parties de l’Allemagne pour dire un jeu de marionnettes, se montrent dans les chants

  1. Jac. Grimm, Deutsche Mythologie, t. Ier, p. 468.
  2. Der Renner (Francfort, 1549), v. 5064.
  3. Voy. Deutschenfranzos, p. 274.
  4. Voy. Abraham à Santa Clara, Reim Dict., p. 149.
  5. Glossar. Latin-Theodiscum ; ap. Eccardi Commentar. de rebus Gaule orientalis, t. II, p. 999, et Glossœ Florentine, ibid., p. 989.
  6. Voyez le mot Tocha dans les Glosse super vit as patrum, ap. B. Pezii Thesaur. anecdot. noviss., t. I, p. 413. Cf. Graff, Althochdeutscher Sprachschatz, t. V, p. 364.