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butine, elle recueille tout ce qui s’offre à elle. Pas un buisson, pas un arbuste, pas un brin d’herbe qui ne l’attire ; mais, quand la journée s’avance, quand la boîte de fer-blanc portée en sautoir est presque remplie, on devient plus difficile ; on choisit, on rejette ; on ne conserve de tant de brillantes dépouilles que des échantillons nouveaux ou des variétés indispensables. Ainsi allons-nous faire : nous n’admettrons dans notre corbeille, déjà suffisamment garnie, que ceux des produits de la flore boréale dont l’absence ferait un vide regrettable dans notre herbier.


I. – GOÛT NATUREL DES ALLEMANDS POUR LA SCULPTURE MOBILE.

Les forêts séculaires de la Germanie sont célèbres, et, en raison de la sympathique influence que la nature des lieux exerce sur l’homme, les habitans de cette contrée ont toujours excellé dans l’art de sculpter et de travailler le bois. Non-seulement les artistes proprement dits, mais les simples artisans des bords du Rhin ont réussi constamment à imprimer une perfection magistrale à toutes les œuvres de boiserie, en prenant ce mot dans son acception la plus étendue. Parmi les types de la vieille Allemagne que s’est complu à faire revivre la fantaisie des romanciers modernes, un des plus franchement germaniques est la rude et hautaine figure de maître Martin, le riche syndic de l’honorable corporation des tonneliers de Nuremberg, aussi fier dans son atelier, à la tête de ses robustes et joyeux apprentis, qu’un électeur entouré de ses chambellans et de ses conseillers auliques[1]. Outre cette habileté à travailler le bois, la race teutonne possède, à un degré non moins éminent, le génie de la mécanique, comme le prouve la construction de tant d’horloges savantes, qui égaient de leurs sonneries, de leurs évolutions astronomiques et de leurs jacquemarts, les façades et les tours de la plupart des cathédrales et des hôtels-de-ville de la Hollande, de la Suisse et des bords du Rhin. Aussi cette double aptitude a-t-elle produit en Allemagne un développement plus précoce et plus complet que nulle autre part de la statuaire automatique, avec ses diverses applications, religieuses ou civiles, sérieuses ou récréatives, depuis les statuettes mobiles de saints et les grands mannequins des fêtes municipales jusqu’aux marionnettes proprement dites. Il y a plus : la passion que les peuples de race germanique et slave ont montrée de tout temps pour cette sorte de jeu dérive si évidemment d’une disposition propre au caractère national, qu’outre les témoignages historiques que j’ai recueillis et que j’exposerai tout à l’heure, j’aurais pu aisément deviner ce goût indigène et le conclure à priori de la nature de certaines créations poétiques dont l’extrême popularité au-delà

  1. Voyez le conte de Maître Martin dans les Frères de Sérapion d’Hoffmann.