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candidats entre lesquels, le roi choisit le président, une personne qui ne siège pas tout-à-fait dans les rangs du parti libéral proprement dit, M. Boreel van Hoggelanden. On s’est un peu inquiété de ce demi-échec ; on se l’est même exagéré, car M. Boreel, qui a déjà présidé la chambre à différentes reprises, s’est associé très loyalement à presque tous les projets de révision constitutionnelle. On prétendait pourtant que le gouvernement hésitait à confirmer le choix de l’assemblée, et à déférer la présidence au premier candidat inscrit ; on disait même qu’il ferait de cette répugnance une question de cabinet ; il est revenu à une appréciation plus froide et plus juste d’un incident par lui-même assez médiocre. La présidence des chambres hollandaise n’a pas, en effet, l’importance acquise à la même charge dans d’autres pays où les partis sont plus prononcés et les luttes plus vives. La circonspection et le calme naturel du caractère néerlandais se prêtent volontiers aux accommodemens. Aussi M. Boreel a-t- il fait de son discours d’installation un programme d’impartialité politique, et il s’est plu à rappeler que ce programme était en accord avec toute sa vie. Nous remarquons dans ce discours un passage bien conforme à l’idée que nous aimons à nous faire de cet honnête et solide pays. « L’expérience a maintenant appris, dit M. Boreel, que pour qu’un cabinet, pour qu’un parlement puissent compter sur l’accueil bienveillant, sur le soutien de la nation néerlandaise, il faut qu’ils se tiennent à distance des exagérations de l’esprit de parti qu’ils se montrent toujours équitables et modérés, qu’ils soient pénétrés d’un intime désir d’opérer par leur union tout le bien qu’on attende d’eux. » Nous souhaiterions de toute notre ame que la France eût aussi sur son gouvernement cette vertueuse autorité.

Les dernières nouvelles de Batavia ont jeté quelque émotion dans le public : les chambres s’en sont même assez occupées pour qu’on ait annoncé des interpellations au sujet des dégâts que les Chinois ne cessent de commettre sur la côte occidentale de Bornéo. La malle de l’Inde apportait les lettres du 20 décembre ; dans la nuit du 8 au 9, les Chinois avaient tenté une attaque infructueuse sur un fort hollandais, et le lendemain, il est vrai, ils demandaient à traiter. On suppose que la classe aisée de la population chinoise désirerait volontiers la paix, mais qu’elle est obligée de céder à la violence des chefs militaires et à l’exaltation d’une multitude fanatique.

L’Angleterre vit maintenant en paix dans ces dominations lointaines qu’elle possède aussi au fond de l’Orient : elle a plutôt à lutter contre les difficultés intérieures de son propre gouvernement que contre des résistances extérieures. Nous ayons parlé, il y a quelque temps, des embarras financiers de ce grand gouvernement de l’Inde anglaise ; un ordre du jour adressé en guise d’adieu aux troupes de l’armée indienne par le général en chef, sir Charles Napier, nous révèle les infirmités et les désordres de tout l’établissement militaire. Au moment de déposer son commandement, sir Charles Napier a voulu laisser à son successeur, au moins autant qu’à ses anciens subordonnés, un dernier avis, une règle de conduite, un but à poursuivre ; ce but, c’est la réforma morale des régimens. Les Napier sont une famille excentrique ; celui-ci particulièrement a toujours eu une manière à lui de comprendre son devoir, et ce qu’il croit une fois de son devoir, il l’exécute sans miséricorde et sans respect humain. On pouvait penser que le général d’une armée de quelques mille