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de l’intérieur a même ajouté : « Nous serons aujourd’hui plus ministériels qu’hier et demain plus qu’aujourd’hui, tant que le cabinet suivra cette politique. » Que peut-on demander de plus ?

Mais ici encore par suite de cette préoccupation fâcheuse que nous signalions, M. Bravo Murillo paraît soupçonner quelque piège. Il redoute un appui qui ressemblerait à une protection. Il a reproduit plusieurs fois avec une visible insistance ce mot de protectorat, en ajoutant qu’il n’en voulait pas, et en insinuant que, s’il ne rencontrait pas un appui pur et simple, il pourrait y avoir lieu à la dissolution du congrès. C’était une menace assez gratuite. Lorsqu’un grand parti politique a la prépondérance dans un pays, chacun est à son poste, les uns dans les chambres, les autres dans l’administration ; certains hommes sont au pouvoir. Qu’on les soutienne. Par attachement personnel ou sans enthousiasme, uniquement dans l’intérêt public, peu importe ; l’action est commune ; il n’y a là ni protecteurs, ni protégés, tout est régulier. Ce qui serait véritablement anormal, ce serait qu’un ministère conservateur, en présence d’une assemblée entièrement conservatrice, en vînt à dissoudre cette assemblée rien que pour n’avoir pas le déplaisir de paraître protégé ! Cette insinuation n’a point laissé de causer quelque émotion dans congrès espagnol. Les principaux orateurs ont adjuré le président du conseil d’avoir à y réfléchir avant de prendre la responsabilité terrible d’une mesure qui romprait l’union du parti modéré, quand c’est cette union qui fait la sécurité de l’Espagne depuis trois ans. Ajoutez qu’il reste à peine au congrès trois ou quatre mois d’existence. Ces raisons, nous n’en doutons pas, auront agi sur le cabinet espagnol, qui, en dernière analyse, à la fin du débat, a pris une situation parfaitement nette et honorable. Il est une chose qui doit l’éclairer encore davantage, c’est la joie mal dissimulée qu’a causée aux partis hostiles cette perspective d’agitation un moment aperçue.

Nous ne voulons pas oublier l’intervention du général Prim dans ce débat solennel. Le jeune général a de telles habitudes d’éloquence, qu’il ne s’aperçoit pas que ses traits les plus violens se retournent contre lui. Il a accusé le général Narvaez d’arbitraire et de cruauté : ce reproche n’était guère à sa place dans la bouche de l’homme qui, en 1844, reçut à la fois son jugement et sa grace du duc de Valence. Il ne faudrait point beaucoup d’adversaires comme le comte de Reuss pour ramener bientôt le duc au pouvoir.

Nous voyons toujours en Hollande, même à travers les légères émotions de quelque petite crise parlementaire, le même esprit de suite et de modération. Les chambres ont repris leurs travaux. La seconde est maintenant occupée d’un nouveau projet, d’organisation judiciaire : le gouvernement propose d’établir quatre cours d’appel au lieu des onze cours provinciales qui existent aujourd’hui. M. Duysmaer van Twist a pris congé de l’assemblée dont il était le président, et c’est au sujet du fauteuil laissé vacant par son départ qu’il s’est ouvert une compétition électorale dans laquelle le cabinet a cru un moment sa propre fortune engagée. Le cabinet portait pour successeur de M. Duysmaer le président d’âge de la chambre, M. Wichers, qui paraissait représenter le plus exactement le sens de la majorité ; mais la majorité ne se trouvait pas en nombre lors du vote, et il s’est produit un concours d’opinions, ordinairement moins promptes à s’entendre, qui a poussé à la première place, sur la liste des trois