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qui se sont heurtées, lorsqu’il a été question de remaniemens plus ou moins considérables dans le corps diplomatique et dans la distribution des préfectures. On a beau déclarer que l’influence n’appartiendra pas à ceux qui restent néanmoins les représentans de l’autorité : la seule vertu de cette représentation inhérente à leur poste, les avertit qu’ils sont encore responsables, et ils veulent au moins transiger. Si, peu qu’on soit ainsi obligé de reculer sur un terrain où l’on pensait être tout-à-fait chez soi, on sent d’autant plus durement cette nécessité inattendue, qu’on a le regret d’avoir trop livré la mesure de ses exigences en réduisant à ne les point subir toutes ceux mêmes dont on se croyait le plus assuré. Le président n’aurait pas eu l’idée, de renouveler notre diplomatie par de certains choix d’un sens trop éclatant, s’il n’avait été convaincu que c’était assez pour les rendre acceptables d’être à lui seul persuadé de leur excellence. Il y a là l’un des pires inconvéniens de ce vide au milieu duquel on gouverne depuis que les rapports du pouvoir exécutif avec la majorité de la législature ont été si fatalement altérés ou rompus. Ce vide prête aux illusions ; l’entourage, personnel y prend une place qu’il ne prendrait point, si elle était plus remplie, et l’on est exposé à ne plus voir que dans ses amitiés particulières des garanties suffisantes d’une aptitude spéciale pour le bon service de l’état : c’était jadis l’erreur et la ruine des monarchies absolues, ce ne saurait être aujourd’hui la sûreté d’une présidence républicaine.

Nous avons un grief plus sérieux encore contre cette fausse situation. Ce n’est pas seulement celui qui l’occupe qu’elle peut abuser, en le mettant tout à la fois en évidence et dans l’isolement. Cette évidence où il apparaît seul trompe d’autres yeux que les siens : elle encourage ces ambitions grossières et bruyantes qui sont la queue de tous les partis et qui culbutent souvent leurs chefs de file, tant elles se pressent et se poussent à leur suite.. Plus il est possible de supposer que le président a pour ainsi dire autour de lui table rase, plus il se trouve de gens qui veulent, malgré lui sans aucun doute, dresser là-dessus un piédestal. Il n’y a point de piédestal qui vaille, en ce temps-ci, le moindre escabeau qu’on empêcherait de branler. Nous devons cette justice au président que de lui-même, et par tout ce qu’il y a dans sa conduite qui lui soit le plus propre, il a visé jusqu’ici au piédestal bien moins qu’à l’escabeau ; mais les circonstances l’ont maintenant trop découverts, elles lui font un rôle trop individuel et trop marqué, pour ne pas multiplier derrière lui des comparses qui n’aient plus assez d’une si modeste fortune. Ces amis compromettans, qui de près ou de loin se chargeraient au besoin de rêver pour lui, sont plus expansifs dans leurs entreprises à mesure que le président, dépourvu de ministres très autorisés, semble en quelque sorte plus abandonné à lui-même ; Il a moins d’ascendant sur eux, parce qu’ils se figurent qu’étant moins accompagné pour les retenir, il leur cédera davantage et leur pardonnera tôt ou tard la violence de leur dévouement. Ce sont ces dévouemens, dont on ne réussit plus sans grand’peine à modérer la violence, qui dégoûtent les attachemens raisonnables qui justifient les défiances systématiques, et vraiment, depuis ces dernières semaines, ils se sont trop donné carrière. La souscription nationale provoquée par les zélés défenseurs de la prérogative présidentielle comme une sorte d’appel au peuple contre le parlement avait été officiellement déclinée ;