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IV

La sculpture ne présente pas les mêmes inégalités que la peinture. Depuis plusieurs années, chaque exposition constate dans cette branche de l’art un degré de perfection soutenu et assez uniforme. Les tentatives excentriques y sont plus rares, parce que la matière et l’instrument s’y prêtent moins, et que le faux y est plus tangible et plus choquant. Quelques essais d’innovation se sont pourtant fait jour dans son domaine, sans beaucoup de succès, il est vrai. Des esprits inquiets, impatiens des règles imposées par la nature même des choses, voudraient mouvementer, passionner la sculpture. Ils oublient que l’expression des passions est incompatible avec la statuaire, dont elle tourmente les lignes et détruit l’harmonie. M. Préault et ceux qui l’imitent plus ou moins tentent donc une entreprise stérile, et qui n’a du reste nullement le mérite de la nouveauté. On croit faire du neuf, hélas ! sans songer à la maxime de Salomon, et l’on tourne toujours dans le même cercle. Le caractère que M. Préault veut donner à la sculpture est précisément celui qu’on trouve aux plus mauvaises époques de cet art. Rien de plus mouvementé assurément que les statues de Bernin, qui était un homme d’une grande habileté. Voudrait-on, par hasard, restaurer le style du baldaquin de Saint-Pierre, ce colosse du rococo ?

M. Préault a coulé en bronze son fameux Christ de l’année dernière ; il n’y a pas lieu d’y revenir. Il a fait une Tuerie, fragment d’un grand bas-relief. Ne connaissant pas l’ensemble, nous ne pouvons rien comprendre à ce morceau, où se trouvent pêle-mêle entassés des têtes grimaçantes, des bras sortant on ne sait d’où, des mains qui n’appartiennent à aucun corps. Tout cela se mord, s’égratigne sans nous dire pourquoi, et produit exactement l’effet d’un cauchemar. Le buste de Nicolas Poussin a premièrement le tort impardonnable de n’être pas ressemblant ; la tête de Poussin est bien connue néanmoins. On se demande ensuite pourquoi M. Préault a cru devoir exagérer à un tel point chaque trait, chaque muscle de ce masque essentiellement réfléchi et paisible, au point de lui donner un air si courroucé ? Le procédé de M. Préault l’a conduit et le conduira toujours à la caricature, qui n’est, comme on sait, que l’exagération des traits caractéristiques du visage.

Une statuette en bronze de la Misère, représentant un vieillard pelotonné dans une méchante draperie, nous a paru si ressemblante aux œuvres de M. Préault, que nous la lui aurions attribuée volontiers, sans le secours du catalogue. Nous ne complimenterons pas l’auteur, M. Gauthier, sur une pareille ressemblance. Nous regretterions aussi