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disposition originale. Un rideau d’arbres gracieusement enroulés de lierre, comme les aime M. Corot, fermerait tout le second plan, si le peintre n’y avait ménagé quelques trouées, véritables arcades de feuillage à travers lesquelles la vue plonge dans une vaste plaine. Le jour arrive de côté sur la plate forme du premier plan où des nymphes s’ébattent sur le gazon. Nous nous permettrons de faire observer à M. Corot qu’il ne faut pas abuser des choses les plus charmantes. Les nymphes dont M. Corot peuple ses bois sont des accessoires naïfs qui n’ajoutent pas grand’chose à la valeur réelle d’un paysage ; comme, opposition, deux ou trois vaches, un pâtre, un cavalier cheminant sur sa bête, feraient tout aussi bien l’affaire, et la poésie n’y perdrait rien.

Il faut laisser cette population hétéroclite de faunes, d’hamadryades et d’égipans à MM. Gaspard Lacroix et Desgoffe, qui persistent à cultiver l’académique terrain de Paphos et de Chypre. M. Desgoffe inscrit bien dans le livret la prétention de représenter la campagne de Rome et le Lac d’Albano ; mais il faudrait pour l’admettre que personne n’eût été à Albano, et que M. Français ne nous montrât pas à côté ses Bords du Teverone, ses Vues de l’Arriccia, de l’Anio, de Genzano et du Lac de Nemi. Les Bords du Teverone sont de cette belle couleur blonde qui dore le soir la campagne de Rome ; une chaude vapeur cercle l’horizon. Par une singularité choquante, les devans jurent un peu avec le fond, si italien ; le peintre semble y avoir transporté la nature d’un autre pays. La Prairie dans la campagne de Rome est vraiment rutilante ; mais pourquoi M. Français, dans ses deux vues très exactes et très délicates du reste des Bords de l’Anio et de Genzano, a-t-il adopté un jour si sombre et ce ciel du nord ? Nous avons éprouvé du chagrin de ne pas retrouver tels qu’ils resteront toujours dans notre souvenir ces délicieux sentiers qui mènent de Frascati à. Albano par le vallon de Marino, les magnifiques châtaigniers de l’Arriccia et les pentes agrestes, inondées des rayons d’un soleil perpendiculaire, au fond desquelles dort enchâssé le limpide lac de Nemi. M. Chevalier deValdrome a bien le sentiment de cette nature romane. Son Crépuscule dans les marais Pontins est à la fois une étude fidèle et un tableau d’excellent style ; le style est tout trouvé quand on peint la campagne de Rome ; il suffit d’ouvrir les yeux, et il est superflu d’y ajouter des lignes de convention, comme font les paysagistes de l’école de M. Desgoffe. M. Paul Flandrin, lui, sait rester dans une juste mesure. Ses paysages sont des vues très vraies et très belles de cette noble nature ; ils ne se rattachent au genre historique que par les nymphes et les bergers armés de chalumeaux qu’on est fâché d’y rencontrer.

Au milieu du mouvement si caractérisé où se trouvent entraînés les peintres de paysage, on est frappé de voir d’anciens maîtres et des artistes fort estimés rester un peu distancés, quelquefois au-dessous