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du zénith ! quelles valeurs de tons entre le ciel et le marais inondé de feu ! Comme ce petit tableau éclipse ses voisins, dont l’un n’est ni plus ni moins pourtant que le Tombeau de l’Amour, du même auteur !

En copiant la nature telle qu’elle se présente et en sacrifiant absolument les détails aux masses et aux grands effets, les paysagistes ont gagné sous le rapport du pittoresque, du nombre et de l’harmonie ; en revanche, ils pèchent du côté de la composition. L’absence de composition jointe à la faiblesse des premiers plans, est le caractère général de leurs ouvrages. Les fonds, au contraire, sont bien traités, et les ciels ont quelquefois beaucoup de transparence et d’éclat. M. Rousseau, à cet égard, affiche de grandes prétentions, que nous ne trouvons pas toujours bien justifiées, et encore est-ce là le plus gros de son bagage, car, de la vérité des formes et du dessin, avec lui il n’en faut pas parler. Parmi les paysages de M. Rousseau, nous trouvons deux éditions du même site, une. Lisière de forêt par un effet du matin et par un effet du soir. À travers un encadrement de gros chênes tortus et noircis, l’œil plonge sur une plaine au bout de laquelle est le centre de la lumière, Dans l’Effet du soir, M. Rousseau a disposé son soleil couchant absolument comme celui de M. Diaz ; mais la différence est grande. Combien celui-ci est plus hardi, plus franc, tout en conservant à son fond la légèreté et la transparence que M. Rousseau cherche dans une sorte de remoulade confuse ! Le soleil couchant de M. Rousseau jette une lueur bien grisâtre, qui peut se rencontrer quelquefois par hasard et que nous nous garderons de nier, car les effets les plus bizarres se rencontrent. En général il faut être sobre de ces bizarreries, qui sont des exceptions et qui peuvent paraître incroyables. Or M. Rousseau s’attache toujours à l’effet bizarre. Il y a un arbre au milieu de la plaire qui se dessine en silhouette et semble poudré à frimas, une flaque d’eau pareille à de la résine figée ; enfin les grands chênes du devant sont plaqués sur le fond clair sans saillie et sans ombre, comme s’ils n’étaient qu’un repoussoir disposé tout autour de la toile pour faire valoir le fond. C’est peut être très beau de faire de la lumière sans ombres ; mais, à coup sûr, cela n’est pas dans la nature, quelque bizarrerie qu’on veuille bien supposer. Ce qui n’est pas non plus dans la nature, ce sont des vaches ressemblant à des chaumières, des chaumières qu’on pourrait prendre pour des rochers, et des rochers de même air que les arbres. M. Rousseau traite tous les objets d’une façon identique, de sorte qu’on a beau s’approcher, reculer, s’approcher encore ; on ne discerne, la plupart du temps, que par induction. Voyez plutôt son Plateau de Belle-Croix ; qui est du reste ce qu’il a peint de plus vigoureux. L’Entrée du Bas-Bréau serait aussi un tableau d’un grand effet, si l’on pouvait appeler tableau un pâté de couleur informe et sans nom. Des deux Effets du matin, il y en a un surtout