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ici, du haut de la foi découlent des rapports inattendus avec la raison. C’est tel trait ineffable de la bonté divine qui, tout d’un coup révélé, suffit à allumer cet amour qui languissait au pied du Dieu abstrait de la philosophie ; c’est tel récit fabuleux en apparence mystérieux par les problèmes qu’il soulève, et qui se trouve répandre sur l’état intérieur de l’ame, sur les angoisses de la conscience, sur le partage des affections sur les luttes intimes du bien et du mal, une lumière imprévue, Nous n’osons pas en dire davantage. Cette science intime du christianisme, elle existe depuis long-temps à l’ombre du sanctuaire ; depuis des siècles, les pierres de l’autel sont arrosées par les larmes de son extase ; les cellules des monastères en conservent le secret. Chassée des yeux du public par les dédains railleurs du dernier siècle, elle reparaît, sous la plume savante de M. Nicolas, avec un noble mélange de hardiesse et de pudeur. Le zèle ardent de son disciple la défend contre des regards trop profanes : Nous n’oserions lui faire faire un pas de plus dans la mêlée étourdie et bruyante de la presse.

Nous espérons seulement avoir réussi à appeler l’attention sur le trait véritablement original du livre de M. Nicolas, sur cette entreprise patiente d’enserrer de toutes parts la raison pour la contraindre à se rendre à discrétion à la foi. Nous voudrions avoir fait comprendre ce double procédé d’apologétique, qui tantôt part de la raison pour s’élever jusqu’à la foi, tantôt descend de la foi pour rejoindre la raison. Nous persistons à penser que c’est à ce respect pour le plus noble, bien que le plus dangereux apanage de notre nature, et pour le principe générateur de notre société, que M. Nicolas a dû le succès, sérieux et chaque jour croissant de son œuvre. Une lutte paradoxale non-seulement contre les erreurs, mais même contre l’exercice légitime de la raison, lui aurait peut-être valu, en des jours de réaction, une popularité plus brillante, l’amertume du langage aurait peut-être aussi réveillé plus vivement les organes blasés du public. Nous croyons le procédé de M. Nicolas à la fois plus digne et plus sûr. Il s’adresse non point à l’un de ces caprices de goût qui ne sont jamais plus passagers et plus vifs que ches des malades ; mais a un besoin profond, produit dans toutes les consciences sincères par l’expérience et la réflexion. Ce besoin, c’est de concilier l’enseignement populaire de la religion, de l’antique et immuable religion catholique avec ce qu’il y a de définitif et d’irrévocable dans l’état d’esprit enfanté par la révolution du dernier siècle, nous ne dirons pas avec l’émancipation (ce mot a plusieurs sens, et irait plus loin que nous ne voudrions), mais avec la majorité, désormais atteinte, de la raison générale. Quoiqu’on fasse, la simple foi d’un autre âge ne refleurira pas sur notre sol : le temps est passé où l’église faisant le catéchisme d’une société enfantine, traçait à la fois et la demande et la réponse. Heureux temps peut-être où la curiosité ne devançait