Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

disons mieux (car il faut tout dire), de l’imposture. Il ne sert de rien, en effet, d’apporter des ménagemens de mots qui ne trompent personne. La religion doit être singulièrement fatiguée des politesses et des cérémonies des philosophes ; elle ne se laissera pas éconduire par des révérences. Il ne s’agit ici ni d’illusions, ni de légendes, ni de symboles. Les dogmes évangéliques ont été posés comme des faits par des témoins oculaires. Ou ces faits se sont passés au grand jour, ou ils ne se sont pas passés du tout ; ou les témoins ont dit vrai, ou ils ont menti : il n’y a pas d’intermédiaire. Qu’on cherche à imaginer un prodige sur lequel il n’y ait pas d’équivoque possible, on sera amené, à coup sûr, à imaginer celui qui sert de fondement à la religion chrétienne. Ce prodige est ou n’est pas : le dilemme est simple jusqu’à la niaiserie. Et si l’on veut bien accorder qu’à partir de la date supposée de ce fait miraculeux, la raison humaine a rencontré un appui qui lui avait manqué jusque-là, nous trouvons, à dire le vrai, plus honorable pour elle de le devoir à un miracle qu’à un mensonge.

Telle est l’argumentation pressante par laquelle M. Nicolas conduit ses lecteurs jusqu’à l’entrée même du christianisme. Par la raison seule, on ne peut aller que jusqu’à ce point : constater d’une part le besoin que l’humanité avait du christianisme, la réalité d’abord puis la divinité de fait qui l’a produit. Ce sont là des questions d’analyse et de critique, de psychologie et d’histoire, dont aucune ne sort du domaine absolu de la raison. Mais veut-on aller plus avant ? veut-on plonger un regard dans l’intérieur même du dogme chrétien ? On le peut sans doute, non plus toutefois par les forces de la raison seule : il faut se laisser conduire à la direction de l’autorité et de la foi. Si la raison, en effet, pouvait à elle seule pleinement comprendre les vérités de la foi, elle aurait pu les inventer ; s’il lui était donné de se les approprier tout-à-fait, elle aurait pu s’en passer ; si la révélation était parfaitement compréhensible, elle aurait été parfaitement inutile. Dans l’idée même d’une révélation, le mystère, l’inintelligible, est par conséquent impliqué. La raison peut donc à elle seule éprouver les fondemens sur lesquels repose l’édifice de l’église, mais elle ne peut pénétrer dans le sanctuaire qu’à la condition de s’incliner en passant le seuil. Telle est la donnée d’un second ordre de preuves appelées par M. Nicolas preuves, intrinsèques du christianisme. Là, c’est la foi qui règne en souveraine ; ce sont les vérités d’origine, révélée qui sont exposées dans leur beauté simple. La raison, admise à les contempler, doit y connaître la satisfaction de ses besoins vagues, l’objet de ses pressentimens confus, l’idéal d’une beauté céleste dont elle conçoit les règles sans apercevoir nulle part l’image. C’est ici la contre-partie du spectacle présenté tout à l’heure par le premier ordre de preuves ; du sein de la raison s’élevaient des aspirations inattendues vers la foi :