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plus pur que celui qui, après avoir été extrait d’un catéchisme mutilé, a été naturalisé d’abord par le Vicaire savoyard sous une forme populaire et touchante, puis par l’école éclectique, à l’aide de procédés rigoureux. Dieu, l’ame, la vie future, tout cela forme comme, un catéchisme rationnel que tout Français pris au hasard peut réciter sans faiblir. Qui a lu Béranger sait que parmi nous il est même en chanson, un Dieu et une autre vie. Jamais ces grandes notions n’ont circulé sous la forme rationnelle dans des rangs plus nombreux et, plus bas de la société, et pourtant, je le demanderai volontiers, à un philosophe sincère, parmi tant de gens qui les connaissent, combien en compte-t-on qui s’en soucient ? pour combien sont-elles autre chose qu’une idée reçue qu’on échange à de certains momens solennels ou une manière de finir heureusement une phrase déclamatoire ? pour combien découlent-elles d’un sentiment intime du cœur ? combien en font dériver une règle austère de leur vie ? On a connu, au siècle dernier, des incrédules d’élite, qui pensaient beaucoup à Dieu et se donnaient beaucoup de peine pour n’y pas croire. Le vulgaire philosophe de nos jours a souvent l’air d’y croire ; une fois pour toutes, pour ne pas se donner la peine d-y penser. Une hostilité active a fait place à un hommage indifférent. Vainement cette grande voix de la mort s’élève-t-elle incessamment, comme celle des hérauts antiques au milieu du tumulte populaire ; vainement appelle-t-elle nos regards vers « cette impénétrable et muette éternité qu’elle ouvre et ferme à mesure, sans que nous puissions jamais en surprendre le secret : » ses échos, qui ne retentissent plus sous la voûte des cathédrales, importunent sans avertir. Les hommes ont toujours été effrayés de mourir ; ils en semblent honteux aujourd’hui ; cet accident incommode dérange des systèmes pédantesques qui ont tous le bien-être présent de la vie pour but. On est pressé de faire oublier pour ceux qu’on aime une telle infirmité, et le mourant, humilié lui-même, irait volontiers, comme l’animal, exhaler dans quelque lieu ignoré un souffle qui ne semble pas remonter vers le ciel.

Voilà ce que sont devenus, avec des idées de la nature divine assez saines, avec une morale assez pure, au sein d’une atmosphère tout échauffée encore par la foi chrétienne, les sentimens d’un Français pris au hasard à l’égard des vérités qui intéressent l’origine de son être et sa destinée future. La raison sincèrement interrogée ne peut le méconnaître. Il n’y a point, sous son empire, de lien véritable entre l’homme et Dieu. C’est un aveu qu’aucun prêtre ne lui arrache, qui ne lui est imposé du haut d’aucune chaire. C’est l’évidence écrite en gros caractères sur les murs de nos cités. Il n’y aurait pas de religion au monde pour combler cette lacune, que sa profondeur n’en serait que plus effrayante à sonder. Cette impossibilité et pourtant cette nécessité