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On le voit, quand bien même la royauté des Guise aurait pu se réaliser, ce que je suis loin d’accorder, elle aurait pu fournir qu’une carrière bornée et précaire, qui aurait abouti sans nul doute à une chute honteuse, parce que, n’étant pas nationale à son origine, elle s’était faite d’avance non-seulement l’alliée, mais la sujette de l’étranger. Ce rôle de prétendans dynastiques, les Guise ne surent pas le prendre avec l’indépendance qui seule pouvait en amener la réalisation et en assurer la durée. Pour détrôner un roi, ils s’en étaient donné un autre ; pour devenir maîtres à l’intérieur, ils avaient été obligés de se faire les cliens, les vassaux d’une domination non-seulement étrangère, mais ennemie, mais rivale séculaire de l’ancienne France, la domination de la maison d’Autriche. Jamais on ne vit d’exemple d’un abandon plus complet de la dignité et du libre arbitre ; jamais il n’y eut d’assujétissement plus ignominieux. Des hommes qui s’arrogeaient le titre de princes français ou qui aspiraient à le devenir, écrivaient à un roi d’Espagne avec une bassesse sans mesure et sans limites. Apres avoir engagé la malheureuse. Marie Stuart à transporter ses droits sur la tête de Philippe II, en d’autres termes à créer à la France une rivalité et un danger de plus, Henri de Guise s’avilissait au point d’écrire au monarque espagnol que « la réalisation de ce projet était son vœu le plus cher, parce qu’il assurerait les desseins de l’Espagne sur l’Angleterre[1] ! »

L’amertume de cette situation en surpassait encore l’ignominie. Que d’humiliations pendant les états de la ligue, où un ambassadeur d’Espagne, tenait ces fiers Lorrains en laisse et les marchandait à son gré ! Quel spectacle que Mayenne courtisan d’un Feria où d’un Mendoce, qui lui présentent l’appât de la couronne comme on montre un jouet à un enfant, puis la retirent sitôt qu’il veut y porter la main ! Quelles déférences ! quels respects ! que de déceptions ! Comme ces Guise passaient de la supplication au désespoir ! Aujourd’hui le duc Charles, fils du duc Henri, épousait l’infante ; demain l’infante s’annonçait comme souveraine propriétaire et se mettait en route pour la France au bras d’un archiduc. Jamais, trône n’aurait été acheté à un tel prix ; jamais esclavage n’aurait été payé plus cher, car ce n’était qu’un esclavage. Un Guise roi de France n’aurait jamais été qu’un vice-roi de Philippe II. Et on répète encore tous les jours que la sainte ligue était nationale, que les Guise étaient placés à la tête du parti national ! Étrange nationalité que celle de princes quasi-allemands à la solde d’un roi d’Espagne !

Un mot résume la situation des Guise pendant la ligue : les princes

  1. M. Mignet, Journal des Savans, n° de janvier 1850. Ces articles si remarquables sont le premier jet d’une Histoire de Marie Stuart attendue avec une vive et juste impatience, et que M. Mignet va publier incessamment.