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princes séculiers. En convoquant le colloque de Poissy, Catherine de Médicis ne flatta point le protestantisme, comme elle en fut accusée alors par des catholiques ardens ; elle ne fit que seconder le mouvement de conciliation imprimé par les partisans les plus modérés et les plus politiques de l’ancienne religion.

Si le mot de vertu pouvait jamais être applique aux actions d’une pareille femme, il serait juste de dire qu’à cette période de sa vie, Catherine de Médicis donna la preuve de l’une des principales vertus des rois : le bon choix d’un ministre. Elle fit mieux que de choisir le chancelier de L’Hôpital ; elle sut le défendre contre ses nombreux ennemis qui étaient ceux de la patrie. Quelque grande que soit la renommée de ce personnage, on est en train de la rabaisser aujourd’hui, comme si nos faibles yeux ne pouvaient plus supporter l’éclat d’une gloire si pure. Il y a long-temps que le père Daniel a donné l’exemple de cette profanation. Il a osé flétrir la mémoire de l’homme qui a dit (et dans quel temps, grand Dieu !) : Le couteau ne vaut pas contre l’esprit. Laissons répéter de vieux blasphèmes aux Daniel et aux Varillas de nos jours. Jamais l’antiquité n’a connu de caractère plus respectable que celui du chancelier de L’Hôpital. Écrire sa vie aurait été l’un des bonheurs de Plutarque ; il s’y serait livré avec délices[1].

Enfin le moment d’ouvrir la guerre civile était arrivé. Guise y était décidé ; mais il lui fallait un prétexte. Le massacre de Vassy le lui offrit. Surprendre de malheureux Français dans une grange les faire attaquer par des pages allemands et venir ensuite prêter main-forte à ces étrangers, voilà comment François de Lorraine engagea la partie. Au surplus, il usa d’une méthode qui fut toujours celle de sa maison ; c’est ainsi que le Balafré, son fils, fit égorger Coligny par Dianovitz, surnommé Besme ou Böhme, parce que cet assassin, à la solde de la maison de Guise, était originaire de Bohême. Un massacre dans une bourgade n’était certainement pas le début le plus propre à honorer l’ouverture des hostilités ; mais en révolution a-t-on le choix des moyens ? Sans doute François de Lorraine aurait préféré une entrée en matière plus noble et plus brillante ; il prit celle que lui offrait le hasard, et s’en accommoda faute de mieux. Ce qu’il y a de plus vraisemblable dans cette triste affaire, si souvent controversée sans en être mieux éclaircie, c’est que le duc de Guise voulut faire armer de force le prêche de Vassy, ce qui était très illégal depuis l’édit de tolérance du mois de janvier. Dès-lors un conflit devenait inévitable. Aussi, dans cette aventure comme dans beaucoup d’autres procès du même genre, l’enquête sur la préméditation se réduit-elle à une simple dispute de mots. La guerre civile ressortait nécessairement

  1. Voyez l’excellente biographie de L’Hôpital par M. Villemain.