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deux partis pour les maintenir en équilibre. C’était une nécessité inévitable : on lui en a fait un crime.

On a dit en prose et répété en vers que

Ses mains autour du trône avec confusion
Semaient la jalousie et la division,
Opposant sans. relâche avec trop de prudence
Les Guises aux Condés et la France à la France.


Eh ! qu’avait-elle de mieux à tenter ? Cette haine, cette jalousie, cette division, elle n’eut pas la peine, de les semer, elle les trouva tout écloses et tout épanouies. La discorde, résidait au fond même de ces débats. Catherine devait-elle se faire chef de faction, se mettre à la tête ou plutôt à la remorque des deux armées, couvrir de son manteau royal les Coligny ou les Guise ? Au début de son administration, elle se conduisit avec sagesse. Sans doute elle porta dès-lors dans le maniement des affaires publiques l’indécision artificieuse, les ressorts compliqués, inhérens à sa nature ; elle déploya, un luxe superflu de pourparlers et de correspondances, une richesse excessive d’insinuations, de menaces et de larmes ; « larmes de crocodile, » a dit un contemporain. À force de recherche dans le choix des moyens, elle fit quelques démarches faussement savantes : elle proposa un compromis trop théologique pour une femme qui n’amena d’autre résultat que de scandaliser le saint-père. Après tout, si elle se trompait dans les matières ecclésiastiques, elle s’adressait à leur juge naturel, elle soumettait au saint-siège ses doutes et ses perplexités avant de mettre ses projets à exécution ; elle agissait donc très régulièrement. De tels doutes d’ailleurs, de telles perplexités ne lui appartenaient pas d’une manière exclusive, car le cardinal de Lorraine lui-même, ce champion le Rome, ce promoteur de l’inquisition en France, quoique au fond le moins catholique des Guise, le cardinal de Lorraine avait très sérieusement songé à une alliance avec les luthériens pour écraser les calvinistes. Dans ce moment où, grace à la mauvaise politique des deux Lorrains, le protestantisme prenait un si rapide et si redoutable essor, on crut pouvoir recourir à des concessions semblables à celles que la papauté fit plus tard en Pologne, sous le nom de rit uni. Ce serait, au surplus, se tromper étrangement que de regarder l’église elle-même comme éloignée de toute idée de réforme intérieure. À la suite de l’invasion de Luther, c’est dans une pensée de réforme que s’établit à Rome une société religieuse intitulée l’Oratoire de l’amour divin, sous les auspices des cardinaux Sadolet, Contarini et Caraffa, le même qui devint le pape Paul IV. L’espérance d’un compromis présida à la convocation du concile à Trente, auquel la papauté se monta d’abord opposée, et qu’elle adopta ensuite à la demande instante des