Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/821

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette intelligence de toutes choses, indépendamment du sens moral, faculté qu’on érige presque en vertu dans des temps désabusés et affaiblis, devait passer pour un crime de l’intelligence et pour un vice du cœur dans un siècle fervent, convaincu et passionné. De là, plus encore que de la Saint-Barthélemy, la mauvaise réputation de Catherine de Médicis.

La reine-mère parut d’abord réussir. L’autorité vint tout naturellement à elle, sans qu’elle eût besoin de se mettre en frais pour en faire la conquête. L’adhésion générale, dont on fait honneur à son habileté et à ses artifices, n’était que la conséquence inévitable des circonstances où la France se trouvait alors engagée. Il y avait trois partis en présence : les Bourbon, les Guise et les Montmorency. Chacun de ces partis était trop faible pour l’emporter, trop fort pour désarmer sans combat. Ils se tenaient tous en échec ; des trois factions, aucune ne pouvait prédominer sur les factions rivales. Les affaires tombaient nécessairement entre les mains d’un pouvoir modérateur et neutre, revêtu de certains avantages qui lui étaient particuliers, et que, personne n’était en mesure de lui enlever ou de partager avec lui. Telle était la vraie position de Catherine de Médicis ; elle gouverna tout le monde parce qu’elle n’appartenait à personne ; elle ne se rattachait d’une manière obligatoire à aucune des trois nuances politiques qui se seraient disputé l’autorité, et qui toutes aimèrent mieux s’en remettre à la mère du roi que de plier sous une prétention contraire. Une seule offrait alors à la France divisée ce qu’on appelle parfois, dans le langage hypocrite des partis, un terrain de conciliation, mais qu’il serait plus franc et plus exact de nommer un terrain d’exclusion, parce que les partis s’y réunissent en apparence afin de s’entendre dans un intérêt commun et, en réalité, pour s’exclure réciproquement dans un intérêt particulier.

Cela se passe ainsi dans tous les temps, mais dans aucun temps cela ne peut durer. Après ces conciliations factices, le vrai reparaît ; les combinaisons arbitraires, les nuances composées déteignent et s’effacent, les couleurs franches, les couleurs du prisme ressortent seules dans cet arc-en-ciel de circonstance. Alors chacun reprend son rang et son drapeau, chacun se débarrasse d’une armure empruntée, et les dimensions fondamentales restées intactes, s’élèvent sur les débris des alliances transitoires. Voilà précisément ce qui arriva en 1560. Seules, les deux grandes opinions qui partageaient le royaume demeurèrent en présence : d’un côté le protestantisme avec Condé et Coligny, de l’autre le triumvirat - Guise, Montmorency et Saint André. Le parti lorrain et le parti français, long-temps opposés, se réunirent contre le protestantisme, contre l’ennemi. Que pouvait faire la reine-mère dans des conjectures si difficiles ? Essayer de balancer les forces des