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du continent asiatique ; et, laissant à l’Angleterre l’initiative que le Portugal avait désertée, elle se disposa à attaquer de front le Céleste Empire. On sait comment, vers le milieu du XVIIe siècle, la compagnie des Indes s’établit à Canton, et conserva jusqu’en 1834, lors du dernier renouvellement de sa charte, le monopole commercial. On connaît les événemens qui ont amené la guerre de Chine et, à la suite de cette guerre, le traité de Nankin, consacrant la défaite de la Chine et faisant brèche, par l’ouverture de nouveaux ports, au système d’exclusion que le gouvernement de Pékin avait, pendant des siècles habilement pratiqué à l’égard des nations étrangères.

De ce traité (26 août 1842) date pour la Chine et pour la situation de l’Europe en Asie une ère toute nouvelle. En dépit de ses vieilles lois, de sa police soupçonneuse, le gouvernement du Céleste Empire a vu la civilisation européenne aborder au littoral ou remonter les rivières avec les navires chargés de marchandises offertes à l’échange. L’Europe, pénétrant ainsi au cœur d’une nation qu’un voile mystérieux lui avait dérobée jusqu’alors, s’empressa de multiplier ses relations et de s’établir sur les marchés récemment ouverts pour de là s’élancer plus loin.

Ainsi, dès à présent, le rideau est déchiré ; la grande muraille a reçu en 1842 une rude atteinte. Dès que l’Angleterre eut donné le signal, les autres nations, les États-Unis, la France, l’Espagne, s’engagèrent à l’envi dans cette croisade dont chaque campagne se terminait pacifiquement par la lecture d’un protocole et par la signature d’un traité. La Belgique, à l’imitation des grandes puissances, voulut qu’un traité, signé en son nom, reposât dans les archives de la chancellerie de Pékin. Il semble que l’Europe entière, même par ses représentans les plus humbles, ait voulu imposer à la Chine l’investiture solennelle de son alliance et l’honneur peu désiré d’un embrassement diplomatique.

On a dit cependant, à plusieurs reprises, que la guerre entre la Chine et l’Europe, ou, pour parler plus justement, entre la Chine et la Grande-Bretagne, ne devait pas être considérée comme terminée, et que bientôt.peut-être les hostilités allaient se rallumer. Nous assisterions donc à un second acte du drame, parfois comique qui avait paru se dénouer en 1842 sous les murs de Nankin. Cette guerre nouvelle surgirait des difficultés d’exécution que contiennent les clauses mêmes du traité, des impatiences de l’orgueil chinois si cruellement humilié par une première défaite, ou bien encore elle n’aurait d’autre motif, d’autre prétexte que l’ambition anglaise, si merveilleusement servie dans ses vues les moins légitimes par la politique de lord Palmerston.

En examinant avec attention les faits qui se sont produits pendant ces dernières années, nous croyons que les craintes ou les espérances qu’inspire la perspective d’une seconde guerre seraient peu justifiées. L’Angleterre du moins (et c’est elle, assurément, qui semble le plus intéressée dans le débat) n’a manifesté, même depuis l’avènement de lord Palmerston, aucune velléité de reprendre les armes ; les motifs pourtant ne lui auraient pas manqué, et d’ailleurs, a défaut de motifs, ne se serait-elle pas contentée de prétextes, — témoin l’opium qui a déterminé la première lutte ?

Au point de vue du droit des gens, la Grande-Bretagne, après avoir exécuté, en ce qui la concerne, toutes les clauses du traité de Nankin, et surtout après l’abandon de l’île de Chusan, pourrait réclamer à son tour l’exécution stricte et