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forcées qui ont étonné l’Europe par l’immensité des distances parcourues. Lorsqu’il laissait à un de ses lieutenans le commandement d’une de ces marches forcées, les volontaires murmuraient souvent et refuaient quelquefois d’obéir. Alors Zumalacarregui descendait de cheval, se mettait à leur tête sans rien dire et, marchait dix heures durant. Les volontaires l’avaient suivi, silencieux et infatigables.

Toutes les fois qu’il avait à punir un oubli du devoir et de la discipline, Zumala faisait des exemples terribles ; mais souvent sa sévérité était de la rigueur, et son inflexibilité dégénérait en cruauté. Violent et emporté, il eut parfois à pleurer, comme Alexandre, les suites de son premier mouvement ; mais son repentir était alors si véritable, qu’il faisait pardonner les excès de sa colère. Il aimait, du reste, autant à récompenser qu’à punir et sa générosité naturelle mettait toujours sa bourse à vide. Par un froid extrême, il se dépouillait de son manteau pour en couvrir un officier grelottant. Accessible aux grands sentimens il faisait très simplement de belles choses. Pendant que Mina fusillait des populations entières dans le Bastan, lui, il accordait la liberté sans restriction à tous les prisonniers faits à Etcharri-Aranaz ; mais, par un retour particulier à ce caractère inflexible, quelques jours après faisait massacrer à coups de sabre et de baïonnette tout un détachement de christinos dont la garde l’embarrassait. Il aurait pu les faire fusiller, mais il voulait éviter le bruit et épargner les cartouches. Il s’était pris d’affection pour un de ses prisonniers, le comte Viamanuel ; vouant le sauver, il écrivit à Rodil pour lui proposer un échange. Celui ci répondit laconiquement : Nous n’avons plus de prisonniers. . Zumalacarregui fit aussitôt fusiller le comte, qui venait de dîner à sa table.

Ordinairement taciturne et triste, il avait, comme Napoléon, des retours de grace et d’affabilité d’une séduction irrésistible. Il accueillait tout le monde, écoutait attentivement toutes les observations et toutes les plaintes il provoquait même les confidences de ses soldats et plaisantait familièrement avec eux ; mais, dès qu’il avait froncé le sourcil, il fallait se taire et obéir : la foudre allait éclater quelque part.

Avant de s’engager dans un combat, il en calculait toutes les chances avec une prudence presque timorée : il lui semblait que jamais il ne prendrait assez de précautions pour assurer sa retraite ; mais, le combat une fois engagé par sa volonté, rien ne pouvait le faire renoncer à son projet. Vaincu aujourd’hui, il s’obstinait le lendemain jusqu’à ce qu’il eût pris sa revanche. Il ne restait jamais sous le coup d’une expédition manquée. Il prodiguait alors la vie de ses soldats, dont il était si ménager d’habitude. Dans une pointe sur la Vieille-Castille que nous avons racontée, il attaqua, lui septième, une brigade ennemie qui escortait