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l’autre côté de la vallée, pour rallier la brigade Mendez-Vigo, qui s’était portée sur les Amescoas par la vallée de la Borunda. C’est sur ce plateau élevé, où le froid est rude même en été, que l’armée de la reine passa la nuit, après avoir ravagé la vallée et tiraillé toute la journée contre l’ennemi. Cela donna le temps à Zumalacarregui de rassembler ses onze bataillons dans les positions de Zudaire. Le 22, Valdès sortit des Amescoas par le col d’Artaza, au lieu de venir par le col de Zudaire, qui est le chemin le plus court pour aller à Estella : c’était dire assez clairement aux carlistes que l’armée de la reine évitait le combat. En effet, les deux nuits passées à Contrasta et sur le plateau d’Urbaza avaient été horriblement pénibles pour les christinos, d’autant plus pénibles qu’ils commençaient à souffrir de la faim, n’ayant emporté de Vittoria que trois rations de vivres. Zumalacarregui avait calculé précisément sur les souffrances éprouvées par ses ennemis ; aussi n’hésita-t-il pas à se porter au port d’Artaza, pour leur en disputer le passage avec quatre bataillons seulement. Les christinos, affaiblis par les privations, reculèrent dans les bois à la première attaque des carlistes ; mais le brave général Seoane les ramena plus nombreux au combat. La lutte sur ce point dura plus de cinq heures, et souvent on s’abordait à l’arme blanche. Deux nouveaux bataillons venaient déjà renforcer les carlistes, lorsqu’une attaque opportune de Cordova, sur la droite du plateau, força Zumalacarregui à abandonner le passage d’Artaza et à se replier sur ses réserves, pour n’être pas coupé. Cordova, qui après quelques mois de bouderie reparaissait enfin sur le théâtre de la guerre, heureusement pour l’armée de la reine, reçut l’ordre de garder la position conquise et d’attendre l’arrière-garde, pendant que Valdès s’avancerait rapidement sur la route d’Estella ; mais Zumala, plus actif, descendait déjà la vallée d ’ Hellin, et prenait position au port d’Eraul, pour couper à Valdès la route d’Estella. Pendant ce temps, Zaratiegui, qui commandait la réserve carliste, devait occuper l’attention de Cordova au haut du plateau d’Artaza. Les colonnes qui s’avançaient vers Estella, sous la conduite de Valdes, trouvèrent la route, déjà occupée par Zumalacarregui, une route encaissée entre des rochers. Les christinos en disputèrent les passages avec l’ardeur du désespoir. Zumalacarregui les leur livrait à mesure, car son intention était d’isoler ces colonnes de la division de Cordova et de l’arrière-garde de Mendez-Vigo ; mais bientôt la déroute des christinos commença, ils s’enfuirent vers Estella dans un tel désordre, qu’ils abandonnèrent près de trois mille fusils sur la route avec tout leur bagage ; leur entrée à Estella y répandit la consternation. Cordova ne serait pas à coup sûr arrivé le soir même à Estella avec sa division à peu près intacte, si les carlistes avaient eu des munitions pour s’y opposer ; mais ils avaient épuisé leurs cartouches dans la journée. Des