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qui, du reste, comptait voir arriver d’un moment à l’autre les trois bataillons qu’il attendait, s’élança du plateau de Lanemear avec toute sa réserve, et fondit sur les christinos qui s’établissaient sur les hauteurs de gauche. Cette irruption fut si soudaine et si violente, qu’un escadron de la reine, posté sur la route entre les deux partis, disparut pour ainsi dire dévoré au passage par les carlistes. Dans le moment de confusion qui suivit ce terrible élan, Mina lui-même faillit tomber aux mains de l’ennemi, ainsi que sa femme, jeune Asturienne qui le suivait à cheval ; mais le vieux guerrillero ne perdit pas la tête, et il eut le temps de mettre un ruisseau escarpé entre sa division et les carlistes. Ce retranchement naturel lui permit de rétablir l’ordre dans ses rangs et de s’assurer la route de San Esteban pour sa retraite.

Pour faire diversion à l’expédition du Bastan où Mina allait exercer de cruelles et odieuses vengeances,. Zumalacarregui retourna vers Pampelune et mit le siège devant le fort voisin d’Etcharri-Aranaz. Il n’espérait pas pouvoir s’en emparer avec un mauvais vieux canon et un obusier qu’il avait avec lui ; mais il pensait que Mina reviendrait du Bastan pour le défendre. Mina ne vint pas ; et Zumalacarregui finit par s’emparer du fort en s’aidant de la mine. La prise d’Etcharri-Aranaz fut le dernier coup porté au commandement de Mina. Non seulement le vieux général n’avait pu vaincre son adversaire, mais il avait été obligé de faire évacuer beaucoup de postes fortifiés qu’il était impuissant à défendre. Il avait en outre rendu odieux le gouvernement de la reine par ses cruautés révoltantes. On le rappela ; il était trop tard pour sa gloire.


V

On a pu remarquer que Zumalacarregui avait progressivement étendu le champ de ses opérations à mesure que s’augmentaient les forces des christinos. En agissant ainsi, il avait obligé l’armée de la reine à s’éparpillée partout où se manifestait la résistance, tandis que lui, grace à la rapidité merveilleuse de ses mouvemens, était sûr de pouvoir, en se portant sur l’endroit menacé, combattre toujours à égalité de forces sur tous les points indistinctement. Si cette tactique réussit à Zumalacarregui, c’est, il faut bien le dire, parce que les généraux qui furent envoyés contre lui ne trouvèrent aucun plan de campagne à lui opposer et ne songèrent qu’à le poursuivre, au lieu de chercher le moyen de l’arrêter.

Au bout de dix-huit mois de cette tactique, Zumalacarregui était parvenu à user les quatre premières réputations militaires de l’Espagne, Saarsfield, Quesada, Rodil et Mina. Il avait pris une bande de quinze cents volontaires indisciplinés et découragés ; il en avait fait