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pièces de canon, espérant venger la défaite de la veille. À peine Osma s’était-il posté, en bataille au débouché de la plaine, qu’il fut abordé de toutes parts et avec impétuosité par les carlistes, enivrés de leur succès. Les christinos cédèrent à ce choc impétueux et se débandèrent. Bien peu échappèrent à l’ennemi ; mille hommes restèrent sur le champ de bataille ; deux mille, s’étant rendus, furent incorporés dans l’armée carliste à leur demande ; plus de cent cinquante officiers, y compris O’Doyle, furent fusillés : ce fut la journée la plus lugubre de toute cette guerre.

Les divisions de Lopez, d’Oraa et de Lorenzo se trouvaient à dix lieues environ du théâtre de ces événemens. Où était Rodil ? Toujours à la poursuite de don Carlos, brûlant les villages et fusillant les populations pour se venger de sa propre impuissance.

Dans cette campagne si glorieuse pour Zumalacarregui, et où chaque journée fut marquée par un combat ou par une rencontre. Rodil ne trouva moyen de se signaler que par des violences. Il avait amené en Navarre une armée nombreuse et brillante ; quelques mois après, il la laissait décimée, abattue et démoralisée. Mourant., exténué lui-même, il l’avait faite à son image ; on se souvient à Madrid de Xercès et de la Grèce.


IV

Zumalacarregui avait successivement triomphé de Valdès et de Quesada, parce qu’ils n’avaient pas un système de guerre à lui opposer, de Saarsfield et de Rodil, par le plan militaire même qu’ils lui opposèrent. Pour trouver un général digne de se mesurer avec le brillant héros de la Navarre, il fallut que le gouvernement de Madrid allât chercher dans l’exil le vieux héros de pierre de la guerre d’indépendance, le fameux Mina.

Mima était la plus grande réputation militaire de l’Espagne. Sitôt qu’on apprit qu’il allait remplacer Rodil dans la guerre de Navarre, l’Espagne et même l’Europe tournèrent les yeux vers le théâtre de la lutte, dans l’attente d’un spectacle émouvant. On ne manqua pas, bien entendu, de rappeler tous les exploits de Mina dans ces mêmes champs de la Navarre où il allait reparaître contre son nouveau rival de gloire. La Navarre, qui connaissait Mina autant par ses cruautés que par ses exploits, frémit à son arrivée. Quant à Zumala, il disait de son adversaire : « J’aime mieux avoir affaire à lui qu’à tout autre, parce que, le connaissant déjà, je n’aurai pas la peine de l’étudier. Je sais d’avance ce qu’il peut faire. »

En effet, Mina allait apprendre à ses dépens combien la différence est grande entre le rôle du général d’armée et le rôle d’un chef de