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les Amescoas, étroite vallée encaissée entre deux sierras et protégée de tous côtés par des défilés dangereux. Cette vallée, renfermant dix hameaux, est située entre Pampelune et Salvatierra à trois lieues de l’une et de l’autre ville, à la même distance d’Ëstella et a six lieues de Vittoria. De là, Zumalacarregui pouvait facilement rayonner sur tous les centres d’opération de ses adversaires sans courir lui-même le risque d’être écrasé, dans sa retraite.

Le commandant en chef Valdès, croyant que l’intention des insurgés navarrais était de porter le théâtre de l’insurrection sur la Basse-Navarre, qui s’étend de Pampelune à l’Èbre, envoya de Vittoria l’ordre à Lorenzo et Oraa de couvrir la ligne de Puente-la-Reyna et d’Estella. Le projet de Zumalacarregui était, au contraire, de porter le centre de ses opérations du côté de Lumbier, sur le terrain plus couvert des vallées intérieures. Aussi, pendant que l’ennemi était occupé aux travaux de la défense du côté d’Estella, Zumalacarregui fit une pointe rapide vers le nord, rallia aux intérêts de l’insurrection les vallées de Salazar, d’Ayescoa et de Roncal, qui jusque-là avaient résisté, et revint à Lumbier, où il prévoyait que l’ennemi accourrait à sa rencontre. Les vallées que le chef carliste venait de désarmer et de soumettre en passant.pouvaient, comme les Amescoas, devenir un lieu de refuge pour les insurgés ; elles avaient déjà rempli le même office pour les volontaire de 1811 et de 1822 ; elles avaient en outre pour Zumalacarregui l’avantage de couvrir la vallée du Bastan ; où il envoyait ses recrues, ses dépôts, et où siégeait la junte insurrectionnelle de Navarre, sous la protection des volontaires du brigadier Sagastibelza.

À Lumbier, Zumalacarregui se joua des poursuites de Lorenzo et d’Oraa, comme il s’était joué de la poursuite de Saarsfield à Dicastillo, de telle sorte que les colonnes christines, attirées sans cesse par l’appât d’une rencontre toujours évitée, rentrèrent dans leurs cantonnemens plus épuisées par la fatigue, plus maltraitées par les neiges et les privations qu’elles ne l’auraient été par une déroute. Dans le même temps qu’il amusait l’ennemi au moyen des deux colonnes volantes de Zubiri et d’Iturralde, Zumalacarregui, à la tête d’un troisième détachement qu’il avait su rendre invisible, s’emparait dans l’Ayescoa de la fabrique d’Orbaiceta, qui lui livrait un canon, deux cents fusils et cinquante mille cartouches.

Il en sera toujours ainsi avec cet homme extraordinaire. Ce n’était point seulement pour fatiguer ses adversaires qu’il imaginait ses marches et contre-marches fabuleuses ; c’était tantôt pour éloigner l’ennemi du point qu’il voulait précisément attaquer et surprendre, tantôt pour revenir le soir au même village d’où les christinos l’avaient chassé le matin, de façon à faire croire aux populations qu’il les avait vaincus dans l’intervalle, tantôt pour déjouer une combinaison stratégique