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signe manifeste d’une volonté absolue et implacable. Tel était l’homme qui, des cendres presque éteintes de l’insurrection, allait faire jaillir un incendie qui devait embraser toute l’Espagne à quelques mois de là.

Pour le moment, Zumalacarregui partait avec les notables de la Navarre, chargé d’aller demander des secours aux insurgés de l’Alava et de la Biscaye, et de combiner avec eux des moyens d’action ; mais le marquis de Valdespina et Vérastégui ne pouvaient rien pour Iturralde ils se disposaient à abandonner l’un Bilbao, l’autre Vittoria, à l’approche des christinos. Ils refusèrent donc les secours, mais ils offrirent à Zumalacarregui de le prendre pour second. Or il ne convenait à l’ancien colonel d’être le second de personne, ni de Valdepina ou de Vérastégui, qui étaient à peine des militaires, ni de Iturralde, qui avait un grade inférieur au sien. Aussi, à peine de retour au camp d’Arronitz, il dit aux officiers et à la junte : « Je veux commander ici. » Les officiers et la junte, déjà fatigues de l’inaction et de l’inexpérience d’Iturralde, élurent aussitôt Zumalacarregui d’une commune voix. lturralde se récria, disant qu’il avait le premier levé l’étendard de l’usurrection avec Santos Ladron, et que, ce général mort, le commandement lui revenait de droit, jusqu’à ce que le roi Charles V en eût décidé autrement. Il paraît même qu’en sa qualité de chef militaire, il envoya l’ordre à deux compagnies d’arrêter Zumalacarregui ; mais le commandant Sarraza, le, second d’Iturralde, fit aussitôt battre le rappel, rassembla les volontaires dans un champ, près du village, sur les bords de l’Éga, et, les mettant au port d’armes, il leur dit à voix haute « Volontaires ! au nom de notre seigneur le roi, le colonel don Thomas Zumalacarregui sera reconnu pour commandant général intérimaire de la Navarre. » Et, avant de rengainer son épée, le commandant Sarraza ordonna aux deux mêmes compagnies qui devait arrêter Zumalacarregui d’aller entourer le logis d’Iturralde et de le garder à vue. Les deux compagnies obéirent. Tout était dit. Ce fut une de ces révolutions de camp ; si familières aux soldats espagnols.

Le premier acte d’autorité de Zumalacarregui fut de choisir pour son second précisément Iturralde. Il déclara en outre qu’il était prêt à remettre le commandement au colonel Eraso, sitôt qu’il se présenterait. Puis, le nouveau commandant s’avança vers ses troupes, leur fit prendre les armes et passa la revue. Après la revue, Zumalacarregui leva son épée : les bataillons se formèrent en cercle autour de lui, et un profond silence s’établit. « Volontaires ! dit le général d’une voix forte et pleine d’autorité, vous avez eu jusqu’ici deux réaux de paie : à partir de demain, vous n’en aurez qu’un. Notre trésor est vide ; mais je prends votre solde sous ma responsabilité. Beaucoup d’entre vous n’ont pas de fusil, et la plupart de ceux qui ont des fusils n’ont pas