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défend contre celui qui attaque. Pour celui ci, la nécessité de pressurer les populations pour alimenter son armée et de sévir contre elles pour prévenir ou punir leur participation dans la guerre rend son rôle souvent odieux. Et puis, s’il ne connaît pas la contrée où il opère, il est presque toujours exposé à tomber dans une embuscade à faire fausse route, à perdre ses convois. S’il subit un échec, l’opinion publique s’émeut et le change en désastre. Dans la perspective politique où il se trouve placé, un engagement de quelques compagnies produit l’effet d’une grande bataille, de même qu’un coup de fusil, répercuté par les rochers, produit l’effet d’un coup de canon. La condition de l’agresseur dans la guerre de montagne est de toujours vaincre, sans que la victoire soit jamais décisive avec un ennemi qui fuit, qui se dérobe et n’est jamais réputé vaincu tant qu’il résiste. Il lui faut cependant faire manœuvrer son armée à travers un pays accidenté avec la même précision que s’il était sur un seul champ de bataille ; faute d’une direction intelligente et vigoureuse, une armée de vingt mille hommes qui serait, par exemple, divisée en cinq corps n’aurait pas plus d’action dans un pays de montagne qu’une armée de quatre mille hommes. Il faut tout calculer au plus juste, le temps, les distances et les ressources ; il faut se montrer infatigable et toujours prêt au combat, afin d’enlever à l’ennemi l’envie de tendre des embûches et l’espoir des surprises, afin, en un mot, de le démoraliser par une initiative incessante. Ce sont ces conditions de l’offensive qu’on a vu si admirablement remplies dans les campagnes du maréchal Bugeaud en Afrique.

Ces deux guerres de Navarre et de Kabylie peuvent être regardées comme deux grandes expériences militaires qui se complètent l’une par l’autre. Jamais cependant on n’a essayé de contempler d’ensemble la suite de combats et d’opérations variées dont les Pyrénées de 1833 à 1835 et l’Atlas de 1841 à 1847 furent le théâtre. Peut être le moment est il venu de s’élever à une vue plus complète de ces deux guerres, dont l’une n’est pas encore terminée, et dont l’autre pourrait bien recommencer : le rapprochement que nous essayons ne manque pas de quelque à propos à l’époque agitée où nous sommes. Il y a d’ailleurs entre les Navarrais et les Kabyles de telles ressemblances de caractère, de mœurs et d’habitudes, qu’on les saisira sans qu’il soit besoin de les noter.


I

On sait comment naquit en Espagne la guerre civile de 1833. Le mariage de Ferdinand VII avec Christine de Bourbon avait divisé le peuple en deux partis, les constitutionnels et les apostoliques, qui devinrent les christinos et les carlistes. La mort de Ferdinand, arrivée