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dirigeaient par la mer Caspienne vers le point qu’ils avaient en vue, ou bien ils faisaient transporter leurs marchandises à dos de chameaux, depuis la ville de Djordjan jusqu’à Bagdad.

La route de terre traversait l’Espagne, et, franchissant la Méditerranée, conduisait à Taager ; de là, en longeant la côte nord de l’Afrique jusqu’en Égypte, elle atteignait la Syrie et, par Ramlah et Damas, conduisait à Bagdad et à Bassora ; puis elle se prolongeait à travers les provinces méridionales de la Perse, jusqu’à l’Indus, et aboutissait dans l’Inde et en Chine. Les marchands se rendaient aussi dans l’Arménie, et, traversant le pays des Slaves, atteignaient la ville des Khozars sur les bords du Volga. Ils s’embarquaient sur la mer Caspienne, arrivaient à Balkh, dans la Transoxiane, dans le pays des Turks-Tagazgaz et enfin en Chine.

Les documens conservés dans les archives de l’administration, à Bagdad, étaient une source abondante de renseignemens statistiques sur les provinces comprises alors dans le vaste empire des Khalifes. Un écrivain de la dernière moitié du IXe siècle, Codama, surnommé Aboulfarage, qui occupait dans les bureaux un poste éleva y puisa les élémens d’un livre destiné à servir de guide aux employés de cette administration, et qui est précieux aussi par les indications géographiques et historiques que Codama y a rassemblées.

Un de ses contemporains, Abou Abdallah Mohammed, fils d’Ahmed Aldjayhani, attaché comme vizir au service des princes de la dynastie sassanide dans le Khorassan et la Transoxiane, profita de sa haute position pour réunir auprès de lui les voyageurs et les étrangers et les questionner sur les lieux qu’ils avaient visités ; ensuite, il comparait leurs récits avec les relations les plus estimées. L’ouvrage qui fut rédigé par ses ordres sous le titre de Livre des voies pour connaître les royaumes, se distinguait par la richesse des détails, surtout dans la description de la vallée de l’Indus et de la presqu’île de l’Inde.

Pendant qu’Aldjayhani était occupé à mettre en ordre les matériaux de sa compilation, le monde musulman, depuis l’Inde jusqu’à l’Océan Atlantique, depuis la mer Caspienne jusqu’à la mer Érythrée, était le théâtre des explorations de Massoudi. Aboul-Hassan-Aly, fils de Hosseïn, né à Bagdad, reçut le surnom de Massoudi, parce qu’il comptait parmi ses ancêtres un habitant de la Mecque appelé Massoud, dont le fils aîné accompagna le prophète dans sa fuite à Médine. Massoudi quitta sa patrie de bonne heure ; et presque toute sa vie se passa à voyager. Il parcourut successivement la Perse, l’Inde, l’île de Ceylan, la Transoxiane, l’Arménie, les côtes de la mer Caspienne, l’Égypte, ainsi que diverses parties de l’Afrique de l’Espagne et de l’empire grec. Il semble même indiquer qu’il navigua dans les mers de la Malaisie et de la Chine. En 915, il se trouvait dans la ville de Bassora, et se rendit à Estakhar, l’ancienne Persepolis ; l’année suivante, il vit l’Inde, d’où il passa dans une île voisine de l’Afrique qu’il nomme Canbalou, et qui paraît répondre à Madagascar. Ensuite il visita l’Oman et une partie de l’Arabie méridionale. En 916, il était en Palestine, et il revint, au bout de vingt-sept ans, à Bassora.

Massoudi fut un véritable polygraphe dans toute l’acception du terme : histoire, géographie, religion, croyances religieuses, rien n’était resté en dehors du cercle de ses investigations. Il était versé, non seulement dans les sciences de l’islamisme mais encore dans la connaissance de l’antiquité grecque.